Indépendamment de la discussion sur les origines et l’inspiration de l’édit des Tanzimat, il est clair que cet événement constitue un tournant décisif dans la manière dont l’Empire ottoman envisageait son avenir et ses relations avec une Europe de plus en plus puissante. La question égyptienne fut réglée dans le courant de l’année suivante, lorsque la pression exercée par l’Angleterre, secondée par l’Autriche et la Prusse, obligea Mehmed Ali Pacha à accepter la possession héréditaire de l’Égypte moyennant la cession des territoires qu’il avait conquis jusque-là. La France et la Russie durent s’aligner sur cette politique et l’équilibre européen fut rétabli, en même temps que la sauvegarde de l’empire et son intégrité territoriale. Libéré de cette entrave, l’Empire ottoman put s’engager dans la voie des réformes et transformations qui devaient faire suite aux principes énoncés dans l’édit de 1839.
La liste est longue des innovations qui furent introduites dans l’espoir de mettre l’empire à la page : Code pénal d’inspiration occidentale, réforme monétaire, création du premier journal officieux de langue turque, recensement de la population, réforme de l’instruction, régularisation de la conscription, Code de commerce, pour n’en citer que les principaux. Les résultats, cependant, sont maigres et, pour le moins, inégaux. Le journal en langue turque ne peut concurrencer la presse en français ; la réforme monétaire est annulée par l’usage abusif du papier-monnaie ; l’enseignement moderne a énormément de mal à s’étendre et reste limité à quelques établissements modèles ; l’affermage, banni en 1839, revient au galop devant la difficulté d’organiser une fiscalité par régie ; la conscription ne parvient pas à s’imposer correctement. D’une manière générale, il paraît difficile, sinon impossible, d’appliquer les bonnes paroles et les principes de l’édit, surtout dans certaines provinces, où éclatent souvent des rébellions provoquées par la résistance au changement.