La génération d’impulsions intenses femtosecondes de lumière proche infrarouge ou visible ouvre un champ d’investigation très vaste en physique atomique, moléculaire ou des solides. En excitant à l’aide de ces impulsions des jets de gaz rares, on génère des impulsions lumineuses ultraviolettes ou X (XUV) de quelques dizaines d’attosecondes (1 attoseconde = 10-18 s) et des faisceaux de photoélectrons énergiques. On utilise ces impulsions XUV et ces électrons, en conjonction avec les impulsions IR ou visibles qui les ont générés, pour sonder la matière aux temps ultracourts et sur des distances de l’ordre de quelques Angströms. Ces expériences sont réalisables avec des lasers de laboratoire grâce à une méthode d’amplification de la lumière mise au point dans les années 1980. Des installations puissantes de grandes dimensions permettent d’atteindre des intensités ouvrant la voie à une physique de la lumière extrême (effets relativistes, physique nucléaire, électrodynamique quantique non linéaire, etc.) La sixième leçon a commencé par dresser un panorama des progrès réalisés dans la génération des impulsions lumineuses de grande intensité et de durée ultracourtes au cours des cinquante dernières années. On y montre que la course aux grands champs lumineux et celle aux impulsions très brèves ont été fortement corrélées, les processus générant des éclairs ultracourts étant liés à des phénomènes fortement non-linéaires requérant des amplitudes de champs électriques très grandes. Dans un premier temps, les impulsions ont augmenté en amplitude et en brièveté de façon rapide, jusqu’à atteindre un palier dans les années 1980, dû à la saturation des verres amplificateurs utilisés qui ont atteint alors leur seuil de dommage irréversible. La méthode CPA (chirped pulse amplification) a alors été inventée. Elle consiste à disperser en fréquence et à étaler en temps l’impulsion lumineuse grâce à une ligne à retard optique réalisée à l’aide de réseaux dispersifs. L’impulsion transporte alors la même énergie, mais sur un temps beaucoup plus long. Elle passe dans le milieu amplificateur qui ne risque plus d’être détruit. Après la traversée de ce milieu, un système de réseaux opérant en sens inverse du précédent comprime ensuite l’impulsion, permettant d’atteindre de très grandes intensités crête. Les pulses femtoseconde intenses ainsi obtenus se prêtent à la mise en œuvre de processus non-linéaires d’ordre très élevés, conduisant à la génération d’impulsions lumineuses beaucoup plus énergétiques et beaucoup plus courtes.
La deuxième partie de la leçon a ensuite décrit ces processus non-linéaires, qui se produisent au cours de l’interaction entre impulsions IR femtoseconde et un jet atomique de gaz rare. Les phénomènes d’ionisation multiphotonique et d’ionisation au-dessus du seuil ont été analysés de façon qualitative. Le régime « perturbatif » à relativement basse intensité et le régime « non-perturbatif » à haute intensité dans lequel le champ électrique incident peut être décrit comme quasi-statique ont été distingués. C’est ce second régime qui est intéressant pour la génération des impulsions XUV ultra-brèves. Le processus est alors décrit par un modèle semi-classique, un électron s’échappant de l’atome par effet tunnel dans le potentiel superposition du potentiel Coulombien de l’atome et du potentiel linéaire associé au champ laser quasi-statique. Il s’éloigne de l’atome, puis est arrêté par le champ laser lorsque celui-ci se retourne et revient entrer en collision avec le cœur ionique, produisant l’ionisation au-dessus du seuil et la génération d’harmoniques élevés ultracourts. Le contrôle du processus nécessite l’emploi d’impulsions IR dont la différence de phase entre la porteuse et l’enveloppe est bien stable. Les impulsions IR constituent en fait les trains d’impulsions d’un peigne de fréquence. Des méthodes de contrôle de ce peigne analogues à celles utilisées pour les horloges atomiques sont mises en œuvre afin d’ajuster les phases relatives de la porteuse et de l’enveloppe des impulsions. En jouant sur la polarisation de la lumière, on peut enfin isoler une seule impulsion du peigne pour générer la lumière attoseconde XUV.
Une troisième partie aborde de façon qualitative la physique qui se développe actuellement avec cette lumière attoseconde. Une classe d’expériences consiste à diriger les impulsions XUV et les impulsions IR qui leur ont donné naissance dans une seconde chambre à vide où ils interagissent ensemble avec une sonde atomique (qui peut être un autre gaz rare, un jet moléculaire ou encore une surface solide). Le délai entre l’impulsion IR et XUV est contrôlé et variable, ce qui permet de faire interagir l’impulsion attoseconde à un moment bien précis de l’oscillation plus lente de l’impulsion femtoseconde. L’analyse des produits de cette interaction (par exemple l’énergie de l’électron finalement éjecté), permet par une sorte de stroboscopie ultrarapide de reconstruire l’impulsion femtoseconde initiale, réalisant ainsi pour la première fois la résolution temporelle d’un champ optique. Elle permet également d’étudier en détail la distribution électronique et la dynamique de l’atome ou de la molécule sonde. Le paquet électronique arraché à l’atome et qui revient plus tard sur lui interfère avec la fonction d’onde de l’ion associé et l’analyse expérimentale de cette interférence permet de reconstruire cette fonction, par des méthodes s’apparentant à l’holographie ou à la tomographie. La dynamique des électrons atomiques ou moléculaires, ou des électrons dans le solide servant de sonde, peut également être étudiée avec une résolution temporelle qui est pour l’instant de quelques dizaines d’attosecondes, mais qui est appelée à devenir encore plus rapide avec l’extension de la génération d’harmoniques d’ordre élevé au domaine extrême UV. La leçon s’est conclue par un bref aperçu de la physique associée à la lumière extrême produite par des lasers de puissance en opération ou en projet dans des installations gigantesques (laser mégajoule, Lasers ELI). L’utilisation de ces lasers pour la physique des plasmas, la physique des électrons relativiste, la physique nucléaire ou encore celle de l’électrodynamique non-linéaire a été évoquée, ainsi que celle des accélérateurs exploitant le champ de sillage d’un plasma excité par laser (wake field accelerators). Ces nouveaux types d’accélérateurs pourraient se révéler utiles pour des applications biologiques ou médicales.