Le développement des méthodes de contrôle d’atomes et d’ions piégés, sujet de la quatrième leçon, a été rendu possible par la manipulation précise grâce aux lasers des degrés de liberté internes et externes des atomes. Les observations de trajectoires quantiques et de sauts quantiques atomiques sont devenues des opérations courantes. Ces expériences prolongent et généralisent aux atomes celles effectuées dans les années 1960-70 sur des électrons uniques piégés, qui ont conduit à des tests extrêmement précis de l’Électrodynamique quantique. Parallèlement aux études d’atomes uniques, des expériences portant sur la manipulation et la détection de photons uniques se sont également développées, avec l’observation de sauts quantiques de la lumière et la préparation d’états non classiques du champ (optique quantique et électrodynamique quantique en cavité). Dans ces expériences, le comportement des atomes et des photons illustre les principes fondamentaux de la théorie quantique (superposition d’états, intrication et décohérence). La possibilité d’exploiter la logique quantique pour communiquer et calculer a largement motivé le développement de ce que l’on appelle l’information quantique. Cette physique rejoint celle de la matière condensée dans des expériences où les atomes sont remplacés par des systèmes quantiques artificiels (circuits contenant des jonctions Josephson notamment).
Une première partie de la leçon a été consacrée aux particules chargées piégées. Après un rappel historique des expériences de Dehmelt portant sur un électron unique et ayant conduit à la mesure ultra précise du « moment magnétique anormal » de l’électron, le principe du piège de Paul a été décrit ainsi que les méthodes de manipulation et de détection par laser des ions (imagerie par fluorescence, refroidissement par « bande latérale », observation des sauts quantiques de l’ion comme méthode de détection sélective de leurs états internes). La deuxième partie de la leçon a été consacrée au piégeage des atomes neutres individuels. Ce piégeage est réalisé dans des puits microscopiques utilisant la force optique dispersive résultant de l’action sur le dipôle atomique du gradient d’un champ lumineux non-résonant. Ce gradient est produit en focalisant fortement un faisceau laser (pince optique) ou en réalisant une onde stationnaire ayant une périodicité de l’ordre de la longueur d’onde optique (réseaux de puits de potentiels). La détection des atomes se fait, comme dans le cas des ions piégés, par l’imagerie de leur fluorescence sous irradiation laser résonnante. En présence du laser de détection, les atomes sont éjectés du piège sous l’effet de collisions binaires assistées par la lumière dont le résultat est de ne laisser dans chaque piège que zéro ou un atome. Le piège finit vide si le nombre initial d’atomes avant l’irradiation résonnante était pair et finit avec un seul atome si ce nombre était impair. L’imagerie optique revient ainsi à mesurer la parité du nombre d’atomes dans le piège. L’expulsion d’un atome par collision ou la tombée d’un atome dans le piège se détecte par un saut brusque du niveau de la lumière qu’il diffuse par fluorescence. La méthode permet d’observer des atomes uniques dans des pièges isolés ou dans deux pièges placés à une distance contrôlée. Elle permet également de réaliser des « convoyeurs » à atomes piégés dans une structure périodique à une dimension réalisée par des faisceaux contra propageants ou encore des « cristaux atomiques » à deux ou trois dimensions, dans lesquels les atomes peuvent être imagés et manipulés individuellement.
La troisième partie de la leçon a décrit les méthodes d’étude de photons uniques en optique quantique, en rappelant d’abord leur génération par excitation d’atomes isolés dans un jet atomique dilué, puis celle produite par l’excitation laser de centres colorés uniques (centres NV du diamant par exemple). Une autre méthode consiste à générer des paires de photons dans deux modes du champ par processus non linéaire dans un cristal et à se servir de la détection de l’un des photons dans un mode pour « annoncer » la présence d’un seul photon dans l’autre mode. La détection des photons uniques par « anti-coïncidence » des clics enregistrés par deux détecteurs après séparation du faisceau lumineux sur une lame semi-réfléchissante a été rappelée.
La leçon s’est ensuite attachée à rappeler les diverses méthodes d’électrodynamique en cavité qui ont été sujets de nombreux cours antérieurs de l’enseignement de la chaire. On a distingué les expériences réalisées en cavité optique de celles effectuées dans des cavités microonde avec des atomes de Rydberg traversant un à un la cavité. Les principaux résultats de l’équipe du titulaire de la chaire dans ce dernier domaine ont été rappelés (préparation et étude d’états de Schrödinger du champ, étude de la décohérence, détection de sauts quantiques du champ microonde, comptage non-destructif QND de photons, reconstruction par tomographie quantique de champs non-classiques, démonstration de la rétro-action quantique). L’analogie de l’électrodynamique quantique microonde avec les expériences de « Circuit QED » dans lesquelles les atomes de Rydberg sont remplacés par des structures artificielles contenant des jonctions Josephson a aussi été rappelée et illustrée par la description de beaux résultats récents de l’Électrodynamique des circuits.
La leçon s’est terminée par l’évocation de l’information quantique, domaine en pleine expansion qui vise à exploiter la manipulation de systèmes individuels (atomes, ions, photons, structures quantiques artificielles) pour réaliser des opérations de logique quantique qui conduiront un jour à des innovations pour la communication ou le calcul. On a d’abord rappelé l’expérience pionnière d’Aspect sur la violation des inégalités de Bell qui a démontré de façon spectaculaire les propriétés de l’intrication quantique et de la non-localité. On a décrit ensuite le principe des portes logiques quantiques démontrées sur plusieurs systèmes (ions piégés, atomes neutres froids, Circuit QED), avant de conclure la leçon par l’évocation de la simulation quantique qui consiste à mettre en interaction un ensemble de systèmes quantiques bien contrôlés dans un piège ou dans une structure périodique dont les paramètres sont ajustables et à étudier l’évolution de ce système. On émule ainsi des phénomènes se produisant à d’autres échelles dans la matière condensée et que l’on ne peut calculer à l’aide d’ordinateurs classiques tant l’espace des états dans lequel le système évolue est grand. Ces méthodes de simulation quantique sont très prometteuses pour la découverte et l’étude de phases encore inconnues de la matière.