Le boom culturel du milieu des années 60 est inséparable de l’émergence d’un nouveau public et de nouvelles couches intellectuelles. Les étudiants forment désormais un groupe social caractérisé par une croissance rapide et une importante féminisation. Blanche ou l’oubli, le roman d’Aragon écrit en 1966 et publié en 1967, peut être lu comme la chronique de l’année. Son héroïne, Marie-Noire, jeune fille de bonne famille, a étudié les lettres et travaille dans les relations publiques chez un éditeur ; elle n’a pas fini sa licence, n’allant, schéma typique, sans doute pas plus loin que la propédeutique.
1966 est le moment étudiant, le sommet de la première massification de l’enseignement supérieur. Avec le cumul du prolongement des études et de l’arrivée du baby-boom, on compte entre 400 000 et 475 000 étudiants en France. La réforme de l’université, lancée par Christian Fouchet pour les accueillir, est importante : création des IUT, suppression de la propédeutique, création du DEUG, et alternative de la licence et de la maîtrise. Georges Pompidou parlait à l’Assemblée non pas de réforme, mais de révolution. 1966 est un tournant mal engagé dont on subit encore les effets dans l’enseignement supérieur. Le système universitaire doit faire face à l’afflux massif de nouveaux étudiants qui s’orientent surtout vers les facultés de lettres et de droit. On lance pour satisfaire aux besoins un vaste plan de constructions de collèges d’enseignement secondaire et de campus : le nombre des universités est multiplié par deux. Les conséquences sur le public intellectuel sont majeures : le personnel de l’enseignement supérieur passe de 2 090 personnes en 1940 à 11 000 en 1960 puis 25 000 en 1965.
Le plan Fouchet compte orienter cette massification. En 1965, on croit à la planification des emplois : on veut former les emplois du futur dans les IUT ; on cherche à lier économie et formation, mais ce choix s’avère rapidement un échec. Produire des travailleurs futurs prend du temps et la planification reste toujours indicative. Le plan Fouchet prévoyait en 1972 166 000 étudiants dans les IUT (ils seront 43 000) et n’a pas su voir que les « nouveaux intellectuels » n’iraient pas dans les IUT.
La réforme de la licence, par le décret du 22 juin 1966, définit un premier cycle de deux ans, semblable à la propédeutique en sciences (tronc commun), mais désormais spécialisé en neuf sections en lettres et sciences humaines (lettres classiques, lettres modernes, langues vivantes, histoire, histoire de l’art et archéologie, géographie, philosophie, psychologie, sociologie) ; on choisit désormais sa discipline dès l’entrée à l’université. Puis le deuxième cycle distingue deux branches : licence vers l’enseignement secondaire, maîtrise vers la recherche.