Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Malraux a 65 ans en 1966 ; il est ministre d’État chargé des affaires culturelles, accablé par les affaires. C’est pour lui une année rude, dans la vie publique comme dans la vie privée – une année de crise, mais aussi de renaissance.

Il est parti en juin 1965 pour l’Asie, car ses médecins lui ont ordonné de prendre du repos. Le voyage s’est transformé tardivement en mission. Malraux est en dépression après une série de chocs (brouille avec sa fille, décès de ses deux fils, attentat de 1962, relation difficile avec Madeleine, sa femme). Il survit grâce à l’alcool, la cigarette et les drogues. Partant en croisière, il a le projet de reprendre Le Musée imaginaire, mais, passé le Caire, il se lance frénétiquement dans les Antimémoires. C’est un ravissement qui inaugure onze années d’écriture ininterrompue, sa dernière période. Avec les Antimémoires, Malraux redécouvre sa jeunesse. Après le Malraux romancier, puis celui des écrits sur l’art, vient le Malraux mémorialiste. Les Antimémoires paraîtront le même mois de septembre 1967 que Blanche ou l’oubli, deux livres essentiels pour nous. Écrits tous deux en 1966, ils marquent un retour en gloire après une série de péripéties personnelles et politiques, pour Aragon comme pour Malraux.

Mais l’année pour Malraux est aussi ponctuée par quatre grands moments. En mars 1966, il donne l’un de ses grands discours à Amiens pour l’ouverture de la maison de la culture. Notre temps remplace l’âme par l’esprit, la religion par la science. Face à la machine, Malraux ressent la nécessité d’une réaction et veut faire pour la culture, ce que la IIIe République a fait pour l’enseignement.

Surviennent ensuite trois scandales qui rythmeront l’année : la censure de La Religieuse de Rivette d’abord, à l’initiative d’associations de religieuses et de parents d’élèves des écoles catholiques. Godard injurie Malraux dans Le Nouvel Observateur. Éclate juste après l’affaire des Paravents, la pièce de Genet montée par Roger Blin à l’Odéon, le théâtre de Jean-Louis Barrault. Malraux défendra Genet à l’Assemblée nationale, le comparant à Baudelaire, Flaubert et Goya, ou au retable de Grünewald. Vient enfin une violente querelle avec Boulez, qui se montre aussi impertinent que Godard à l’égard du ministre. Boulez et le Domaine musical rassemblent un vrai gotha de l’intelligentsia, lieu éminent de rencontres d’avant-garde, mais Malraux nomme Marcel Landowski à la tête de la direction de la musique. Boulez ressent cette nomination comme un affront et annonce une grève avec « tout ce qui est organisme officiel de la musique en France ». L’affaire se termine en août par un échange de lettres, extrêmement sèches.

Les scandales abondent tout au long de l’année, mais ne freinent pas la rédaction des Antimémoires, qui ne sont pas une chronique de 1966 : on est ici de plain-pied dans l’intemporel. Avec Malraux, on se déplace en permanence entre 1966 avant J.-C. et 1966 après J.-C., au plus loin donc de la chronique et de Blanche ou l’oubli.

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