Résumé
À qui rendre ? Cette question occupe beaucoup les esprits autour de 1800 car, bien souvent, les pièces prises dans les pays européens ne l’avaient pas été dans des musées. Lorsqu’une pièce est saisie dans un musée public, la question est assez simple à résoudre. Les œuvres doivent être rendues au musée dont les collections ont été annexées. En revanche, le problème est bien plus complexe lorsque des livres ou des tableaux ont été pris dans des châteaux ou des établissements religieux qui ont été détruits ou sécularisés par la France. Que faire alors de ces objets ? Faut-il les placer dans des bibliothèques universitaires qui n’existent pas encore et qu’il va falloir créer ? Doivent-elles être confiées à la garde d’autres nations ayant déjà d’autres moyens de les conserver ?
La question « à qui rendre ? » a donc pour corollaire l’interrogation « où remettre ? » L’intertemporalité, notion qui désigne les événements survenus entre-temps, revêt une importance essentielle face à toutes ces questions de déplacements d’objets d’art, dans la mesure où la période d’absence des œuvres de leur lieu d’origine voit souvent apparaître de nouvelles frontières, de nouveaux rapports de force étatiques ou de nouveaux paysages patrimoniaux.
Les œuvres saisies hors des musées ont ainsi été prises en main en 1815 par de nouveaux États qui n’en avaient pas toujours été les propriétaires et qui ont dû décider, avec leurs opinions publiques respectives, au terme de réflexions qui ont parfois duré plusieurs années, s’il fallait les recontextualiser dans leur lieu d’origine ou les muséaliser et, dans ce cas, s’il convenait mieux de les réunir dans un unique espace muséal ou de les répartir dans plusieurs centres à l’échelle du territoire.