Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je me propose aujourd'hui d'attirer votre attention sur la relation entre le réel de la santé et sa perception, essayant de mettre en lumière quelques éléments de l'épistémologie de la santé publique, discipline encore peu développée, et ceci probablement en raison de son obligatoire multidisciplinarité. Je suivrai le principe selon lequel il n'y a pas de vérité sans critique, tant il est vrai, cependant, que beaucoup des critiques sont sans vérité. Je m'exprime en mon nom personnel.
La notion de construction sociale de la vérité a émergé il y a déjà bien des années, dans le sillage de l'école de sociologie de Francfort, transportée en Amérique par la persécution de savants allemands sous le nazisme. En exil, cette école excella dans le développement de méthodes quantitatives. Il semble qu'à un certain moment s'est imposé la nécessité de dériver de l'observation attentive des éléments se trouvant au-delà des mouvements et des développements sociaux. Il est prétendu, par ce terme de construction sociale, que tout savoir qui se trouve dans la communauté des hommes n'est que le résultat d'apports individuels, de points de vue nombreux et variés, de souvenirs, d'interprétations, d'émotions, mais aussi d'erreurs collectives, qui évoluent au fil du temps.
La construction sociale relève sans aucun doute de l'ère postmoderne où les convictions basées sur les évidences de jadis, les découvertes signant la modernité, s'estompent et se dissocient, peut-être définitivement, des valeurs auxquelles elles furent attachées.
La construction sociale et son produit, « le construct » en anglais ou « le construit », ne s'édifie sur rien qui soit en lui-même inconnu. D'abord et simplement, elle prend pied sur le pouvoir ainsi que sur ses limites, sur les identités et les éclairages narratifs, s'intégrant dans différents langages, cultures, représentations idéelles et leurs différents agencements.
Mais je voudrais revenir maintenant à l'endroit où nous nous trouvons. Il y a 180 ans, en 1832, lorsque se déclare la première catastrophe épidémiologique venue de Russie avec les troupes du Tsar lancées sur l'Europe centrale pour écraser le printemps des peuples. Il s'agit du choléra qui produit en France 100 000 cas et 80 000 morts.