Résumé
Des conflits intragénomiques aux symbioses mutualistes, les interactions biologiques nous invitent à questionner les fondements d’un concept rarement explicité et pourtant essentiel au raisonnement darwinien : l’individu. L’individu comme « niveau de sélection », c’est à dire comme échelle pertinente d’analyse de la « variance héritable en fitness », source d’évolution adaptative. Le cadre conceptuel des « transitions majeures » nous offre la possibilité de concevoir l’émergence de nouvelles échelles d’individualité à travers l’assemblage et la coopération plus ou moins harmonieuse d’individus d’échelle inférieure : la cellule eucaryote, l’organisme pluricellulaire, la colonie de fourmis, etc. Ce cadre laisse également ouverte la possibilité d’une multiplicité des échelles d’individualité, que les « éléments génétiques égoïstes » tels que la bactérie Wolbachia ou les éléments transposables nous permettront d’illustrer. Mais est-il à même d’expliquer l’émergence première de l’individualité ? Aux origines de la vie, c’est-à-dire, par définition, sans individus, comment l’évolution a-t-elle pu opérer ? Plus généralement, comment concevoir l’émergence des processus Darwiniens, sans reposer, paradoxalement, sur des individus préformés ? Je chercherai principalement à démontrer l’importance et la difficulté de ce problème, pour partager ensuite le souhait, sinon la possibilité, de sa résolution à travers une perspective métaévolutive.