Amphithéâtre Guillaume Budé, Site Marcelin Berthelot
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Un rêve coûteux ou une vision du futur partagée par la communauté de la cancérologie ?

De nouveaux médicaments ciblant des produits d’oncogènes activés dans plusieurs tumeurs humaines ont été développés au cours des 10 dernières années, et certains ont donné des réponses thérapeutiques spectaculaires chez des malades résistants aux traitements conventionnels. La variété des anomalies génétiques et moléculaires trouvées dans les cancers humains a montré leur très grande hétérogénéité, y compris au sein d’une même tumeur, mais a aussi soulevé l’espoir d’un traitement individualisé du cancer, où chaque malade recevrait les drogues inhibant l’action des oncogènes impliqués dans sa propre tumeur.

Les premiers résultats de ces approches thérapeutiques seront présentés et discutés, en en illustrant les quelques succès obtenus, mais aussi les difficultés et les limites actuelles. Enfin, nous tenterons d’esquisser quelques voies d’avenir.

Les résultats thérapeutiques les plus spectaculaires obtenus à ce jour concernent :

– l’Imatinib (Glivec), d’une part, dans les leucémies myéloïdes chroniques (LMC) contenant une protéine de fusion activée BCR-ABL, produite par une translocation chromosomique t(9-22) et, d’autre part, dans les rares tumeurs stromales du tractus gastro-intestinal (GIST) qui expriment à la surface des cellules tumorales un récepteur oncogénique muté et activé C-KIT ;

le Trastuzumab (Herceptine), dont l’activité a été démontrée dans les cancers du sein dont les cellules tumorales surexpriment à leur surface l’oncoprotéine HER-2 ;

le Crizotinib, remarquablement efficace dans les rares (3 à 5 %) adeno-carcinomes pulmonaires présentant une translocation chromosomique activant l’oncogène ALK ;

– le Vemurafenib qui, pour la première fois, a permis d’obtenir des régressions tumorales majeures dans les mélanomes métastatiques dont les cellules tumorales sont porteuses de la mutation V600E de l’oncoprotéine B-RAF, présente chez 50 % des malades. Malheureusement, ces réponses, aussi spectaculaires soient-elles, restent fugaces et pratiquement tous les malades rechutent après quelques mois.

Ainsi, ces quelques succès permettent déjà de voir :

– qu’ils ne concernent qu’un nombre de malades très restreints (tumeurs rares ou petit nombre de malades porteurs de l’anomalie-cible) ;

– que les rechutes sont fréquentes, voire, dans certains cas, constantes, en raison de l’émergence de sous-clones tumoraux résistants au médicament utilisé ;

– que les tumeurs humaines ne contiennent pas un seul événement génétique participant à l’oncogénèse (mutations dites « drivers ») mais plusieurs (de 5 à 15), avec une grande fréquence d’anomalies rares pour lesquelles la production de médicaments ciblés futurs reste très aléatoire. De plus, les cellules tumorales contiennent beaucoup d’autres anomalies génétiques (de 50 à 150) qui, même si elles ne sont pas nécessaires à la survie des cellules malignes (mutations dites « passengers »), peuvent jouer un rôle dans la résistance aux drogues comme dans les relations entre la tumeur et son environnement (système immunitaire, néo-angiogénèse).

Intervenant(s)

Thomas Tursz

Institut Gustave Roussy