L'homme doit-il modifier la nature ?
Ni Dieu ni nature
Faire entrer la nature en politique
La nature : une évidence en sursis
Présentation par Philippe Descola
La Nature n’est plus ce qu’elle était. Domaine de régularité indépendant des actions humaines, ensemble des êtres dépourvus de langage, espaces refuges échappant à l’anthropisation, toutes ces acceptions qui donnaient à la nature sa troublante unité ont été remises en cause. On sait à présent que, si les « lois de la nature » sont universelles, l’idée de nature ne l’est guère ; on sait que bien des animaux partagent avec les humains des facultés longtemps vues comme l’apanage de ces derniers ; on sait aussi que tous les écosystèmes de la planète, même les plus isolés, ont été bouleversés par l’action humaine ; on sait encore que les avancées du génie génétique brouillent la distinction entre le naturel et l’artificiel ; on sait enfin que le réchauffement global et son effet sur le système de la Terre font de l’humanité comme une nouvelle force naturelle.
C’est à examiner dans une perspective interdisciplinaire les questions soulevées par ces déplacements de la frontière entre déterminations naturelles et déterminations humaines que ce colloque de rentrée du Collège de France sera consacré.
On replacera dans la longue durée l’émergence de la notion singulière de nature, le rôle qu’elle a joué dans la formation de la conscience européenne, dans le développement des sciences, dans la mise en place d’une ontologie sociale et d’une théorie de la nature humaine longtemps exceptionnelles au regard du reste de l’humanité. On pourra alors s’interroger sur les recompositions anthropologiques, juridiques, philosophiques et épistémologiques, que l’effritement des limites de la nature rend possibles, comme sur la persistance de certaines discontinuités fondamentales entre humains et non–humains. On questionnera enfin les nouvelles techniques de production et de réparation de la vie afin de mieux comprendre ce qu’elles bouleversent dans les façons d’appréhender les définitions de l’humain, les mécanismes du vivant et les règles de son appropriation. Nombre de ces questions sont de nature politique. C’est pourquoi le colloque s’ouvrira par une table ronde réunissant des praticiens qui font rentrer la nature en politiques, contraints qu’ils sont de prendre en compte le fait que des manières inédites d’habiter la Terre sont devenues indispensables.