L’évolution du régime alimentaire au sein des hominines est considérée comme un aspect essentiel de leur mécanisme adaptatif. L’élévation du métabolisme basal qui caractérise les hommes a en effet nécessité un accroissement notable de la quantité de calories ingérées. Nous disposons de plusieurs outils pour étudier l’alimentation des formes disparues. L’anatomie dentaire comparée a été historiquement le premier d’entre eux. Les stigmates microscopiques (impacts et stries d’usure de l’émail) laissés à la surface des couronnes dentaires au cours de la mastication en fournissent un second qui a été considérablement amélioré par les techniques d’analyse d’image. Cependant, c’est surtout la géochimie qui a été récemment mise en œuvre pour traiter la question. Pour les périodes récentes de la préhistoire, les isotopes stables du carbone et de l’azote extraits des matières organiques permettent de distinguer les chaînes trophiques et de situer la place d’un individu à l’intérieur de ces chaînes. Pour les périodes plus anciennes, les isotopes du strontium et du baryum ont été utilisés pour évaluer le niveau de la consommation de viande. Aujourd’hui, ce sont surtout les études sur les isotopes du zinc, fixés comme les précédents dans la partie minérale des restes squelettiques, qui semblent les plus prometteuses.
Les chimpanzés, qui constituent le groupe frère des hominines, incluent dans leur alimentation une part carnée provenant de la chasse. Celle-ci est généralement relativement faible et varie en fonction des individus et des populations. Ce comportement existait donc très probablement aussi chez les formes les plus anciennes d’hominines. C’est seulement autour de deux millions d’années avant le présent que les comportements de prédateur ou de charognard se sont développés de façon spectaculaire. À partir de cette époque leurs traces deviennent abondantes dans le registre archéologique. Le développement de la cuisson, au moins facultative, a marqué une autre étape importante dans cette évolution. D’une façon générale, la préparation des aliments (broyage, découpe, cuisson, etc.) permet d’augmenter l’apport énergétique tout en diminuant le coût physiologique de la mastication et de la digestion. Même si la chasse aux grands mammifères a joué un rôle central dans les stratégies alimentaires des hommes du Pléistocène moyen et supérieur, il ne faut pas négliger les ressources végétales qui, en fonction de l’environnement, ont pu représenter un apport important.