Résumé
L’historiographie traditionnelle des études sur les campagnes antiques a toujours valorisé le rôle que les grands domaines ruraux, jalonnés de grandes villae luxueuses, avaient joué dans l’économie de la période romaine et son expansion. La production de ces produits phares du commerce méditerranéen qu’étaient l’huile et le vin, et leur diffusion jusqu’aux frontières nord de l’Empire repose en partie sur l’existence d’une agriculture liée aux grandes exploitations rurales d’Italie. S’agissant des provinces occidentales, notamment en Gaule, c’est le même paradigme qui a prévalu ; de ce point de vue, la mise en évidence des villae de Picardie par Roger Agache, au début des années soixante-dix, a donné corps à l’idée d’une agriculture productiviste fondée sur la céréaliculture.
Les grandes enquêtes récentes, en France (programme ERC « Rurland »), mais aussi en Angleterre conduisent à revoir ce schéma de développement. On constate en effet que l’essor des campagnes repose sur un socle protohistorique solide et que son rythme s’inscrit dans le temps long, sans rupture brutale au moment de la conquête, sans « colonisation du sol », au prix d’adaptations techniques lentes et nuancées. Il en ressort un tableau très différent de celui auquel nous étions habitués, qui nous conduit à revoir nombre de nos idées reçues sur le rôle des villae romaines en Gaule du Nord.