Le célèbre tableau L’Enseigne de Gersaint, peint par Antoine Watteau au XVIIIe siècle, est conservé, quasiment depuis son origine, à Berlin, au château de Charlottenbourg. Il a en effet été acquis tout de suite après sa création, par le roi de Prusse, Frédéric Le Grand, qui était un grand amateur de culture française. Depuis le XVIIIe siècle, il est et demeure à Berlin, au grand dam de quelques intellectuels français qui n’ont eu de cesse de réclamer son retour. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les musées de Berlin étaient en ruine ; les Américains, victorieux, organisèrent des expositions itinérantes aux États-Unis, pendant deux ans, à partir d’une centaine d’œuvres issues de ces musées : celles-ci étaient perçues comme un témoignage de culture et aussi comme des objets que l’on va voir justement parce qu’ils ont été enlevés au pays nazi vaincu. Les œuvres repartirent en Europe et une série d’expositions diplomatiques itinérantes fut organisée, à Amsterdam, Bruxelles et Paris. C’est dans ce cadre que L’Enseigne de Gersaint fut exposée, entre février et mai 1951, au Petit Palais, à Paris. Le conservateur André Chamson soigna la muséographie, créant des écrins somptueux, donnant beaucoup d’espace aux œuvres et les présentant sous des néons, pour donner un sentiment d’humanité. L’Enseigne de Gersaint fut particulièrement mise en valeur par rapport aux autres œuvres, en ayant une salle pour elle toute seule, un cordon de sécurité et un gardien. Cette exposition du Petit Palais fut conçue et présentée comme un moment de réconciliation européenne mais elle fut également une pomme de discorde, cristallisant des désirs de revanche – L’Enseigne de Gersaint étant alors pris comme un exemple de l’âme française.
16:15 à 17:15
Cours
À qui appartient la beauté ? Arts et cultures du monde dans nos musées (7)
Bénédicte Savoy