Résumé
Visualiser l’activité du cerveau ne suffit pas à comprendre comment cette activité encode des représentations mentales, ni comment celles-ci se transforment en pensées ou en comportements. Les neurosciences cognitives sont à la recherche de lois de passage du niveau neurophysiologique au niveau psychologique – de l’activité cérébrale à l’état mental. Dans le second cours, nous avons examiné les stratégies qui permettent de discerner, dans le foisonnement d’activité cérébrale qui survient à chaque instant, les états neuronaux qui codent pour des états mentaux.
La méthode de soustraction consiste à contraster l’activité cérébrale évoquée par deux conditions expérimentales minimalement différentes (par exemple nommer un chiffre, versus le soustraire de 10 ; ou bien nommer un chiffre versus nommer une lettre). Elle permet d’identifier quel est le circuit cérébral impliqué dans une étape précise d’une tâche cognitive, mais elle souffre d’un problème d’inférence inverse : si chaque opération cognitive active un circuit souvent réplicable, l’observation qu’un circuit donné est actif ne permet pas de savoir quelle est la fonction ou le code cognitif déployé.
L’analyse multivariée (MVPA, multivariate pattern analysis) permet d’avancer d’un cran : elle dissèque les codes neuronaux à l’intérieur d’une région donnée. On examine dans quelle mesure deux conditions expérimentales conduisent à des cartes d’activation qui se ressemblent, et on en déduit dans quelle mesure ces deux conditions expérimentales font appel à des représentations similaires. Au laboratoire, par exemple, nous avons utilisé cette méthode pour montrer que le mathématicien, qui réfléchit à des objets mathématiques très abstraits, continue d’utiliser des circuits cérébraux activés chez chacun d’entre nous lors d’opérations arithmétiques élémentaires (2+3) ou même la simple vision d’un nombre. Ainsi, les mathématiques de haut niveau « recyclent » des circuits de l’arithmétique élémentaire. De même, chez l’enfant en cours d’acquisition de la lecture, l’analyse multivariée permet de montrer que certains secteurs du cortex visuel se spécialisent partiellement pour la reconnaissance des mots écrits, tout en conservant leur sélectivité antérieure pour la reconnaissance des objets.