Dans ce deuxième cours, nous nous sommes intéressés à la perception de la hauteur tonale, ou pitch, trait essentiel de la perception musicale. C’est l’un des traits les plus étudiés de la perception auditive. Les mécanismes de la détection du pitch sont en grande partie déterminés par la physiologie cochléaire.
Dans un premier temps, nous avons passé en revue les données psychoacoustiques sur la perception du pitch. La sensation de hauteur tonale a été introduite en prenant pour exemple les sons harmoniques complexes émis par des instruments de musique, et leur représentation spectro-temporelle. Après avoir rappelé la décomposition de Joseph Fourier d’un son périodique comme une superposition de sons harmoniques (sons de fréquences multiples d’une même fréquence fondamentale), nous avons discuté des propriétés d’invariance du pitch des sons harmoniques complexes (par rapport aux changements d’intensité des sons ou autres perturbations acoustiques), qui nous permettent de suivre la ligne mélodique d’un morceau comme la variation de la fréquence fondamentale en fonction du temps. Un des traits remarquables de cette invariance est le phénomène d’extraction de la fréquence fondamentale manquante, que nous avons illustré par des exemples de sons synthétiques.
Nous avons ensuite abordé la caractérisation psychoacoustique de la sensation de hauteur tonale, fondée sur la détermination des « bandes critiques » auditives et sur la distinction essentielle entre harmonique résolu et non résolu par le filtre cochléaire. Sur la base de cette caractérisation, deux principaux mécanismes de détection du pitch ont été discutés : l’extraction « temporelle » mettant en jeu le codage temporel des sons déjà décelable dans le nerf auditif et l’extraction « spectrale » impliquant la tonotopie cochléaire. Ces deux mécanismes se distinguent par des propriétés d’invariance différentes : l’extraction spectrale du pitch est largement insensible aux manipulations de phase des harmoniques, mais se trouve perturbée par des défauts d’harmonicité ; inversement, l’extraction temporelle est sensible aux manipulations de phases et peu sensible à aux distorsions du spectre. Ces différences sont au mieux mises en lumière par l’analyse des caractéristiques de la détection du pitch en relation avec le caractère résolu ou non résolu des harmoniques.
Dans la seconde partie, nous avons abordé les aspects centraux de la perception du pitch. Les recherches actuelles visent principalement à comprendre son codage au niveau du cortex auditif. Deux articles récents de Daniel Bendor, Michael Osmanski, Xiaoqin Wang, et d’autres (Bendor, Wang, 2005 ; Bendor et al., 2012 ; Song et al., 2016), ont été discutés, qui fournissent la première mise en évidence de neurones détectant spécifiquement le pitch au sein du cortex auditif. Ces études éclairent le débat sur les mécanismes temporel et spectral de l’extraction du pitch, en montrant l’existence de différents types de neurones du cortex auditif qui sont sensibles au pitch, mais dont les propriétés de réponse sont en accord soit avec l’un, soit avec l’autre mécanisme. Ces travaux fournissent la première démonstration expérimentale de l’existence d’un centre du pitch dans le cortex auditif primaire, situé au niveau de sa frontière antéro-latérale dans une région codant les basses fréquences sonores.