Reprenant l’interrogation du premier cours sur la valeur adaptative de la musique (Darwin, 1871), le dernier cours a porté sur la musique comme vecteur de cohésion sociale par l’émotion qu’elle suscite.
Nous avons commencé par situer la musique parmi les activités considérées comme génératrices de plaisir en nous appuyant sur une classification empirique des catégories profanes de plaisirs (Dubé, Le Bel, 2003), qui souligne le caractère différencié de la musique comme plaisir émotionnel formant une sous-catégorie à part dans la hiérarchie des plaisirs. Puis nous avons discuté, en l’illustrant par des exemples sonores, la capacité de la musique à susciter diverses formes d’émotions (gaîté, tristesse, anxiété, colère, sérénité, etc.), capacité frappante qui justifie la définition de Kant : « La musique est la langue des émotions ». Nous nous sommes ensuite penchés sur les bases neurales de l’émotion musicale, éclairées au cours des vingt dernières années par les études d’imagerie cérébrale fonctionnelle. Deux articles ont retenu notre attention : l’un, publié en 1999 par le groupe de Alan Evans, concerne l’identification par tomographie à émission de positons des centres cérébraux impliqués dans la perception de la dissonance (Blood et al., 1999) ; et l’autre, publié en 2009 par le groupe de Robert Zatorre, porte sur la mise en évidence par IRM fonctionnelle de régions cérébrales activées par une émotion musicale intense (Blood, Zatorre, 2001 ; Salimpoor et al., 2011). Il émerge une conclusion majeure de ces études : la perception d’émotions musicales intenses met en jeu les « circuits neuronaux de la récompense » et implique notamment la dopamine. L’organisation structurelle et le mode de réponse de ces circuits a fait l’objet d’une présentation détaillée.
Enfin, nous avons brièvement discuté l’hypothèse dite de « prédiction de l’erreur de récompense » (suivant laquelle les ajustements comportementaux impliqués notamment dans l’apprentissage se fondent sur une représentation de la différence entre la récompense attendue suite à une action et la récompense effectivement obtenue), stratégie générale d’apprentissage adaptatif qui régirait le fonctionnement des circuits de la récompense. Nous avons mentionné l’application possible de ce paradigme au développement et à la résolution des « tensions » musicales, proposée par Koelsch sur l’exemple des cantates de Bach (Koelsch, 2014). Ainsi les données d’imagerie fonctionnelle suggèrent un lien inattendu entre écoute musicale et apprentissage, qui nous renvoie à la question initiale de Darwin.