La représentation des règles musicales fait-elle appel aux mêmes aires cérébrales que celle des règles linguistiques ? Ani Patel, suivi en cela par Katz et Pesetsky, propose deux hypothèses très simples. D’une part, les éléments de base et les règles d’organisation propres à la musique et au langage sont distincts. On s’attend donc à observer l’activation de régions auditives spécialisées pour l’une et pour l’autre, ainsi que des dissociations entre langage et musique en neuropsychologie. D’autre part, l’exécution de ces règles syntaxiques fait appel à des ressources partagées. Cette seconde hypothèse prédit que l’activation cérébrale devrait se recouvrir partiellement, tout particulièrement lors de comparaisons qui isolent le niveau syntaxique du traitement musical ou linguistique. Elle suggère également qu’il devrait exister des interférences entre langage et musique lorsque la tâche exige qu’un sujet traite la syntaxe des deux domaines en même temps.
Dans le cours, nous avons vu que ces prédictions sont assez bien vérifiées. Des expériences très récentes, menées à l’échelle individuelle, montrent effectivement qu’au sein des aires auditives, des secteurs distincts s’intéressent à la musique et à la parole. Les cas d’aphasie sans amusie, tel celui du compositeur moscovite Vissarion Shebalin, confirment que les circuits sont en partie séparables. Cependant, lorsqu’on se penche sur le niveau syntaxique, la ressemblance entre musique et langage s’accentue. En particulier, l’introduction d’une note ou d’un accord inapproprié, qui viole la syntaxe musicale, engendre des réponses cérébrales très semblables à celles évoquées par une violation syntaxique au sein d’une phrase écrite ou parlée (onde ELAN, activation frontale inférieure en IRM fonctionnelle). Il existe donc un début de preuve de l’existence de structures syntaxiques en musique, avec des parallèles plus au moins convaincants à deux niveaux : la structure rythmique de la musique correspondrait à la prosodie du langage, tandis que sa structure harmonique correspondrait à la syntaxe. Notons toutefois qu’à plus haute résolution spatiale, les travaux d’IRM fonctionnelle d’Ev Fedorenko mettent en doute qu’il s’agisse exactement des mêmes régions.