Salle 5, Site Marcelin Berthelot
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Nous nous sommes intéressés aux mécanismes qui sous-tendent la modulation de la perception auditive par l’attention, et tout particulièrement à l’implication des oscillations électriques cérébrales dans ce processus. Le cours a été introduit par une présentation de ces oscillations et de leur rôle aujourd’hui bien établi dans certains aspects de la perception et de la cognition sensorielles. Puis les travaux du laboratoire de Charles Schroeder mettant en lumière le rôle de ces oscillations dans les effets qu’exerce l’attention sur la réponse du cortex auditif primaire chez le macaque ont été discutés. Dans une étude publiée en 2013 (Lakatos P., Musacchia G., O’Connel M.N., Falchier A.Y., Javitt D.C. et Schroeder C.E., Neuron, 2013), l’activité neuronale de la couche L3 du cortex auditif primaire était analysée à partir d’enregistrements par multiélectrodes, durant lesquels l’attention de l’animal se portait (ou non) sur des séquences sonores. Les macaques avaient été au préalable entraînés à prêter et soutenir leur attention à ces séquences pour détecter la présence d’une fréquence déviante. Ces séquences étaient chacune composées d’un son pur d’une durée de 25 millisecondes, dont la fréquence était de 5,7 kHz ou 16 kHz. Cette « bouffée sonore » était répétée à intervalles réguliers avec une fréquence de 1,6 Hz pour les bouffées sonores de 5,7 kHz et de 1,8 Hz pour les autres. Des oscillations électriques de type delta dont la rythmicité est celle du son ont été observées. Dans la région corticale dont la fréquence caractéristique est celle de la bouffée sonore (5,7 kHz ou 16 kHz), ces oscillations passaient par leur phase de dépolarisation maximale pendant la « bouffée sonore », ce qui a pour effet de favoriser la genèse de potentiels d’action synchrones du son. Dans une région corticale dont la fréquence caractéristique n’est pas celle de la bouffée sonore, des ondes de même rythmicité que la stimulation sonore étaient aussi décelées, mais la stimulation sonore coïncidait avec la phase correspondant à l’hyperpolarisation des neurones, inhibant ainsi leur décharge. Les ondes électriques observées sont donc présentes dans l’ensemble du cortex auditif, mais elles sont en opposition de phase par rapport aux vagues sonores dans la région corticale accordée en fréquence avec la bouffée sonore, tandis qu’elles sont en phase dans les régions non accordées. Parce que ces oscillations électriques se poursuivent quelques secondes après l’arrêt du son, l’origine de ces fluctuations rythmiques calées sur les répétitions du son a été attribuée à un mécanisme d’entraînement de réseaux de neurones par le son sur plusieurs cycles. Au total, ces résultats suggèrent que l’attention portée à une séquence sonore rythmique attendue entraîne à travers l’ensemble du cortex auditif des réseaux neuronaux, d’une façon telle que leur activité oscillatoire devient cohérente et ajustée à la rythmicité du son. Ces résultats ont été étendus aux ondes thêta synchronisées par des répétitions sonores de fréquences correspondantes. Comme les oscillations delta, elles sont entraînées par un stimulus auditif rythmé auquel les singes prêtent attention. Par le jeu de la présentation simultanée de deux sons sur lesquels le singe porte alternativement son attention, ces conclusions ont été renforcées. Les enregistrements mettent en évidence, dans la région corticale accordée en fréquence avec la bouffée sonore, une augmentation des décharges neuronales et de la densité de courant induite par l’attention. Plus important, ils démontrent que l’association du maximum de dépolarisation de l’onde delta avec le maximum de la stimulation sonore est un effet de l’attention. Dans plusieurs aires corticales, outre celle qui est accordée en fréquence avec le stimulus sonore, l’attention est à l’origine de la synchronisation de l’activité de réseaux neuronaux. Quand des stimuli sonores sont présents simultanément, seul celui sur lequel se porte l’attention entraîne l’activité oscillatoire delta à travers un ensemble de régions corticales. Ces conclusions permettent une prédiction qui a été validée expérimentalement : l’amplitude des décharges neuronales en réponse à un stimulus sonore ignoré dans la région accordée en fréquence à ce stimulus dépend de sa relation temporelle avec le stimulus auquel l’attention est prêtée. L’attention se comporte donc comme un filtre temporo-spectral de l’activité neuronale du cortex auditif primaire. Ces découvertes renforcent l’idée selon laquelle les fluctuations de l’excitabilité d’ensembles de neurones distribués forment le contexte dans lequel sont traités les contenus sensoriels spécifiques (Buzsaki G. et Chrobak J.J., Curr. Opin. Neurobiol., 1995). L’attention module l’activité oscillatoire dans la couche supragranulaire L3 par des mécanismes de type top-down qui restent à déterminer.