L’historiographie des territoires allemands – ou du moins des territoires de l’« Europe centrale » (Mitteleuropa) – a connu aux XIXe et XXe siècles des orientations divergentes, en partie selon un mouvement de pendule animé par des tendances tantôt nationalistes, tantôt s’efforçant de transcender une idéologie nationale. Il a été observé qu’à plusieurs moments décisifs, l’histoire de l’Allemagne a été canalisée par une concertation européenne et internationale, comme ce fut le cas en 1648, en 1815, en 1918, ou encore en 1990. À différents stades de son histoire, un décalage anachronique entre l’idéologie prédominante et son interprétation du passé a provoqué des conceptions contrastantes de l’historiographie politique. Ainsi, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’historiographie allemande a procédé à une réhabilitation du Saint-Empire, qui avait souvent fait figure de repoussoir (certainement pour la période des Temps modernes) aux yeux des générations d’historiens nationalistes. Cette réhabilitation s’accordait apparemment avec l’idéologie prédominante de la construction européenne au cours de l’après-guerre.
Le véritable héritage du Saint-Empire, pour l’Allemagne et pour l’Europe au temps présent, consiste davantage à fournir un laboratoire parmi d’autres (mais pour lequel l’histoire constitutionnelle allemande des XIXe et XXe siècles présente une continuité d’exemples ultérieurs) permettant d’appréhender toute la modalisation possible, au gré des circonstances et contraintes politiques, de ce que signifie une union politique dans un contexte de particularismes concurrents. Une telle conscience des modalisations possibles est sans doute de loin plus utile, afin de penser ce que peut être, dans toute sa diversité, une union politique, que le référentiel d’une notion abstraite, dénuée de ses contextes historiques, de souveraineté.