La synthèse par « chimie douce » dont J. Livage et J. Rouxel, anciens professeurs au Collège, sont les pionniers, clôt cette série de cours. Qu’est-ce en réalité que cette chimie douce ? Elle repose sur le principe de réactions topotactiques, c’est-à-dire de réactions qui gardent en mémoire le squelette structural du précurseur de départ, ne faisant donc pas appel à des coupures de liaisons – ce qui explique le faible apport d’énergie pour les mettre en jeu. Parmi celles-ci, les plus répandues (car à l’origine du fonctionnement des accumulateurs à ions Li+, Na+, Mg2+) sont les réactions d’intercalation. Elles consistent, un peu à l’image des millefeuilles, en l’insertion d’ions alcalins entre les feuillets de la structure hôte. Les fondements de ces réactions d’insertion faisant appel à des notions de cristallographie, des structures de bandes sont rappelées et leurs réalisations via des approches électrochimiques (accumulateurs) et chimiques (agents réducteurs ou oxydants appropriés) décrites à l’aide d’exemples concrets d’actualité. Par ailleurs, nous décrirons quelques aspects de la chimie acido-basique qui relève également de processus topochimiques mettant en jeu des réactions d’échange et de condensation. Celle-ci inclut la chimie des solutions qui conduit à la formation de polyanions ou polycations, à l’élaboration de sols ou gels, et qui recouvre également les processus naturels de formation de nombreux édifices dans la famille des silicates. Nous abordons ensuite la chimie de greffage qui permet d’introduire au sein des structures hôtes lamellaires des entités moléculaires conduisant au pontage des argiles (en vue de développer des tamis moléculaires). Enfin, nous abordons les réactions de greffage et de polymérisation de l’aniline entre les feuillets d’oxydes lamellaires – utiles à la préparation de matériaux hybrides pour les accumulateurs.
Bien qu’elle ne soit vieille que de trente ans, cette chimie douce est déjà très riche et variée. Elle comporte de nombreuses facettes que je n’ai pu aborder faute de temps. Il s’agit, par exemple, des méthodes de synthèse des verres à basses températures ou de l’élaboration de céramiques à 100 °C pour des applications de recouvrements de surfaces. Il y a également toute une chimie entre le liquide et le solide (chimie des sols, des gels, colloïdes ou des ferros fluides) que je n’ai pas abordée. Ces différents aspects feront l’objet du cours 2016 qui traitera plus spécifiquement des procédés physico-chimiques pour l’élaboration et la mise en forme de matériaux inorganiques « sur mesure » pour l’énergie.