Ce cours décrit les dernières avancées dans le domaine émergent de la nanofluidique, la science des flots moléculaires, qui explore les écoulements et le transport des fluides aux échelles nanométriques. Ce monde de l’infiniment petit fluidique, c’est la frontière où le continuum de la mécanique des fluides rencontre la nature atomique de la matière, voire sa nature quantique. On y observe des écoulements quasiment sans frottement, des effets quantiques émergents, des effets mémoires qui permettent désormais de rêver de calculateurs ioniques. La Nature exploite pleinement les bizarreries fluidiques aux nanoéchelles. En utilisant une circuiterie faite de multiples canaux biologiques, elle est capable de prouesses technologiques invraisemblables : pompes ioniques, turbines à protons, pores ultra-sélectifs, canaux stimulables… une orfèvrerie fluidique simplement époustouflante. Peut-on s’inspirer et égaler ces performances avec des canaux artificiels ? Quelles sont les propriétés spécifiques des fluides aux nanoéchelles ? Comment les quantifier expérimentalement ? Peut-on les exploiter en termes d’innovation ?
Le cours abordera les questions fondamentales posées par le transport des fluides aux échelles moléculaires ou nanométriques, et les propriétés émergentes à ces échelles. Nous introduirons en particulier les nouveaux outils expérimentaux et théoriques qui ont été développés pour mesurer, comprendre et exploiter les nouvelles propriétés de transport aux nanoéchelles. Nous discuterons ainsi d’un certain nombre de phénomènes mis en évidence récemment, qui, sans être exhaustifs, permettent d’appréhender les avancées importantes de la nanofluidique : limite(s) du continuum ; rôle des fluctuations ; frictions classique et quantique ; transport ionique linéaire et tamisage moléculaire ; transport ionique non linéaire, diodes et blocage de Coulomb ionique ; paires de Bjerrum, transition de Kosterlitz-Thouless, effet Wien ; réponses neuromorphiques ; osmose, à la van ‘t Hoff et phénomènes d’osmose non conventionnelle ; etc.
La nanofluidique est également un domaine où il y a un chemin court entre la science fondamentale et l’innovation de rupture, car les nouvelles propriétés nanofluidiques offrent des solutions inattendues pour de multiples applications, notamment pour le dessalement, la remédiation des eaux, ou encore l’énergie bleue – notamment l’énergie osmotique. Nous explorerons ainsi quelques exemples où ce cheminement s’est concrétisé par des innovations de rupture.
Il est difficile d’embrasser exhaustivement l’ensemble du domaine qui couvre de multiples concepts à l’interface entre hydrodynamique, physique statistique, thermodynamique hors équilibre, matière condensée, chimie, etc. Nous l’aborderons donc par touches « impressionnistes », en pointant et nous attardant sur les différents concepts clefs, les expériences importantes et avancées théoriques récentes. Ces concepts émergents constituent le cœur de la recherche fondamentale en nanofluidique et leur lien avec l’innovation.