L'enseignement autour de la littérature haïtienne
Dire Haïti et sa littérature autrement à travers l’ensemble des cours, c’est se demander à travers sa littérature quel éclairage peut apporter aujourd’hui au monde francophone sinon au monde tout court l’expérience haïtienne ? Comment dans l’impasse qui suit son indépendance, des hommes et des femmes dépossédés, déplacés, déstabilisés linguistiquement créent une civilisation dont la littérature sera un élément majeur ? Comment des écrivains et écrivaines n'ont pas cessé de dire ou d'écrire un rêve d'habiter, démontrant par là même que la littérature commence souvent là où la parole devient impossible. Là où le monde est si ébranlé qu’il faut traverser le langage pour lui trouver des éclats de sens.
À partir de 1804, ceux et celles qui n’ont d’autre choix que d’habiter ces 27 750 km2, à peine plus étendus que certains départements de l’Hexagone, sont sommés de s’inventer et d’inventer dans ce lieu non connu, non imaginé, non désiré. À cette sommation, les écrivains répondront durant deux siècles en nourrissant un rêve d’habiter un corps qui ne soit plus celui du migrant nu, selon la belle formule de Glissant, un lieu et un temps fondateurs, d’habiter l’écriture comme lieu premier, originel, un lieu aussi non de simple enracinement mais de possible séjour et enfin un lieu au-delà de l’ethnie ou de la classe, aussi vaste que le silence ou l’inconnu.
Et aujourd’hui que la littérature haïtienne s’écrit dans trois langues autres que le français, elle atteste que les langues sont appelées à cohabiter, qu’elles ne sauraient avoir qu’un unique drapeau ou qu’une seule patrie et préfigure une culture du vingt et unième siècle en train de se faire.
Étudier la littérature haïtienne à la lumière de son histoire permet de donner au qualificatif francophone une signification hors de tout eurocentisme. Une signification qui sied à notre temps, la seule susceptible de lui assurer un avenir.