Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
En libre accès, dans la limite des places disponibles
-

Résumé

La séance commence par un hommage à George Steiner, décédé le 3 février 2020 au Royaume-Uni : un lettré authentiquement européen qui, fuyant l’antisémitisme, s’installe tour à tour en France, aux États-Unis, en Angleterre et en Suisse. Il représente la continuité d’une lignée d’intellectuels européens qui inclut Thomas Mann, James Joyce et, plus près de nous, Umberto Eco. On retiendra surtout de lui, parmi ses œuvres essentielles, Après Babel. Une poétique du dire et de la traduction (1975) ainsi que ses conférences prononcées au Collège de France en 1992 et publiées sous le titre Origine et poétique.

Cette première leçon, conçue comme une apostille de la leçon inaugurale, fait retour sur le poème « Les Conquérants » (1869) de José-Maria de Heredia, qui servit d’ouverture et de fil conducteur à la leçon inaugurale. On s’intéresse à la réception par le public de l’image finale du sonnet, celle des étoiles nouvelles. En 1905, peu après la disparition de l’auteur, le critique Gaston Deschamps rendit hommage à Heredia dans Le Temps. À la suite de cet hommage, un officier de marine contesta la pertinence astronomique de l’image finale, et il s’ensuivit une succession assez burlesque de courriers, prenant la défense de Heredia ou bien l’attaquant, que Deschamps relaie dans le journal. Il faut prendre ces courriers au sérieux, car ils témoignent d’un problème de compréhension, d’autant plus aigu que l’image des étoiles nouvelles rencontra un succès phénoménal : on en a de multiples témoignages. L’objectif du cours consiste à explorer l’origine de cette image ainsi que ses potentialités, en furetant à travers ce qu’on peut appeler la bibliothèque des étoiles nouvelles. Une des étagères les plus anciennes de cette bibliothèque contient les Géorgiques de Virgile : ici, l’étoile différente, étrangère, est l’enseigne d’un ciel étranger, c’est-à-dire d’une terre étrangère. Elle est aussi le signe, négatif, de l’hubris, alors que chez Heredia sa valeur est positive.