Pour Marie Duru-Bellat, le mérite est à la fois un thème d’actualité et l’idéologie nécessaire des démocraties. Il incarne une certaine conception de la justice qui, entre inégalités des mérites individuels et inégalités des places dans la société, fait un choix : les secondes peuvent être considérées comme justes dès lors que les premières prévalent. Pourtant, le mérite est-il juste ? Dans un premier temps, Marie Duru-Bellat s’est interrogée sur la justice de la sélection méritocratique qui prend place à l’école ; mais il convient aussi, explique-t-elle, de questionner les prétentions de l’école à réaliser un classement qui ait une réelle pertinence hors de l’univers scolaire, dans le monde du travail. En d’autres termes, est-il pertinent et justifié de calibrer le mérite professionnel par le mérite scolaire ? Enfin, les effets pervers que la logique méritocratique et la compétition exacerbée qu’elle entraîne sont bien connus dans le monde du travail. Pour Marie Duru-Bellat, on ne peut néanmoins se passer du mérite, et il faut sans doute accepter de combiner plusieurs principes de justice. Ainsi, on peut à la fois défendre le jeu du mérite pour l’allocation aux emplois, en y voyant un gage d’efficacité, et dans le même temps, dissociant efficacité et justice, ne pas se fonder sur le seul mérite pour répartir les richesses et déterminer les ressources de chacun, dès lors que son origine est incertaine et qu’on n’est donc jamais sûr de mériter son mérite.
Marie Duru-Bellat est professeure à l’IEP de Paris et chercheuse à l’Observatoire sociologique du changement (OSC-CNRS). Elle a publié récemment Le mérite contre la justice (Presses de Sciences-Po, 2009).