Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Christian Baudelot a montré que les inégalités qui frappent actuellement la société française sont cumulatives et constituent un système. Ces inégalités affectent même les comportements non marchands. Ainsi, à rebours de ce qu’avait montré Durkheim à la fin du xixe siècle, le suicide frappe surtout les plus pauvres, dont l’espérance de vie est déjà la plus basse. De même, les inégalités face à la mort augmentent : il existe de très fortes inégalités d’espérance de vie entre riches et pauvres et, à âge égal, les pauvres sont plus touchés que les classes supérieures par le cancer et les maladies cardio-vasculaires.

Si, hier, le patrimoine, le revenu et le genre étaient les principales lignes de clivage inégalitaires, ce sont aujourd’hui, a remarqué C. Baudelot, l’âge, l’origine ethnique et le logement. La jeunesse, privilégiée pendant les Trente glorieuses par le principe de l’embauche à salaire croissant, a payé le plus lourd tribut aux transformations du marché du travail : un taux de pauvreté de 20 %, mais aussi un taux de suicide élevé – ce qui marque une très forte rupture car, jusqu’à présent, ce taux augmentait avec l’âge. Les dépenses en faveur du logement donnent également lieu à une inversion de courbe : indice d’un bouleversement considérable, ce poste est désormais la première dépense de tous les budgets devant l’alimentation. En outre, les inégalités d’âge devant le logement sont beaucoup plus prononcées, diminuant les chances d’accession à la propriété des jeunes. Par ailleurs, l’école française, censée corriger les inégalités héritées, apparaît aujourd’hui comme l’une des plus inégalitaires socialement : le système scolaire français est à la fois inefficace et injuste. Il se présente comme un système de compétition ouverte, mais est en fait un système de parrainage institutionnel et familial.

Dans la discussion, Pierre Rosanvallon et Christian Baudelot se sont étonnés que l’ampleur des inégalités actuelles donne lieu à une critique morale, mais non à une réflexion sur l’égalité. De même, comment expliquer qu’en dépit d’une meilleure connaissance des inégalités, l’absence de mise en œuvre de politiques correctives ne soit pas perçue comme inacceptable ? La discussion a également été l’occasion de revenir sur le choix français de la formation de l’élite plutôt que de la formation de la masse – or les enquêtes PISA montrent que les systèmes éducatifs les plus performants sont ceux dans lesquels les écarts entre les plus faibles et les plus forts sont minima.

Christian Baudelot est professeur de sociologie au département de sciences sociales de l’ENS-Ulm. Il a notamment publié, avec Roger Establet, L’élitisme républicain (Le Seuil, 2009) et Suicide. L’envers de notre monde (Le Seuil, 2006).

Intervenant(s)

Christian Baudelot

Professeur de sociologie à l'Ecole Normale Supérieure

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