Architecture à horloges faiblement synchronisées pour les applications d'automatique temps-réel distribuées

Un autre point de départ important est la philosophie TTA (Time-Triggered Architecture) de Hermann Kopetz, qui consiste à créer un modèle strictement synchrone (au sens des langages du même nom) et temporellement périodique dès le niveau du hardware de calcul et de communication, offrant ainsi une cible naturelle au déploiement de programmes Scade ; cette approche est plutôt favorisée par Boeing. Pourtant, si l'on se place du point de vue de l'automaticien, une boucle de régulation peut certainement se satisfaire d'une certaine dose d'asynchronisme, tolérée grâce aux marges de robustesse des lois de contrôle : pourquoi s'embarrasser de TTA dans ce cas ? Bien-sûr, il faut aussi prendre en compte les contrôles discrets tels que protection et gestion des modes de marche, de sorte que l'idée naturelle serait de tolérer l'asynchronisme pour le contrôle continu distribué tout en combattant son non-déterminisme au niveau du contrôle discret.

Enfin, le monde de la circuiterie connait la même problématique avec l'émergence des circuits asynchrones sans propagation globale d'horloge, voir l'exposé de Jordi Cortadella l'an dernier et le cours de Gérard Berry ce jour-même. En ce qui concerne la gestion du temps, ce domaine pose en fait des difficultés similaires au précédent.

La vision qui émerge est simple. La programmation synchrone permet de déployer des applications sur toute machine virtuelle obéissant au modèle des réseaux de Kahn. Le problème est alors de concevoir, au-dessus de l'architecture physique distribuée de systèmes pseudo-périodiques non synchronisés, une couche algorithmique donnant à cette dernière un comportement en réseau de Kahn. Avec Paul Caspi et d'autres collègues, nous avons développé deux techniques pour cela. L'une est un algorithme à jetons qui ne fait pas appel aux dates physiques et s’avère très proche des circuits élastiques à la Cortadella ; l'autre utilise des bornes sur la gigue et la dérive inter-horloge pour « épaissir » les événements, mathématisant ainsi la philosophie originale des ingénieurs d'Airbus. Les outils que sont les réseaux de Petri et l'algèbre max-plus permettent d'analyser de manière unifiée ces deux approches.