Amphithéâtre Guillaume Budé, Site Marcelin Berthelot
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On peut facilement se passer des « légumes », en reconnaissant qu'une bonne partie d'entre eux, mais pas tous, consiste en fruits, de sorte que cette catégorie est manifestement mal construite. Il est plus difficile de se passer des « poissons », mais la classification proposée par ce qu'on nomme parfois « notre meilleure science », à savoir le cladisme, conteste que ce nom désigne un groupe réellement existant. Seul existe, en biologie évolutive, le « clade », ensemble de taxa résultant tous d'un même taxon – or « poisson » n'est pas ainsi construit. Une première conséquence de cette affaire est le divorce entre le découpage scientifique du monde, et celui en cours dans la vie quotidienne. Peut-on concevoir un pluralisme où sous certains aspects le poisson existerait, ou bien faut-il, comme le légume, en faire son deuil ?

La seconde question que j'aborderai concerne dans cette classification le rôle du concept d'espèce. La biologie évolutive lui donne un rôle éminent, puisque sa question majeure au XXsiècle fut celle de la spéciation. Mais l'espèce a toujours désigné, même avant Darwin, le seul taxon possiblement réaliste au-delà des simples organismes, puisque le critère d'interfécondité par lequel on reconnaît que deux individus sont de la même espèce suggère qu'on doit attribuer une sorte de consistance causale aux espèces. L'ontologie d'une biologie darwinienne doit-elle admettre, au-delà des espèces, d'autres taxa ontologiquement consistants (comme les clades ?) pour « genres naturels » au sens métaphysique ? Afin de traiter cette question, il faut déjà déterminer l'incidence de notre conception du statut ontologique de l'espèce biologique – traditionnellement une classe, mais devenue depuis David Hull un individu pour de nombreux philosophes de la biologie – sur sa formulation et sa possible résolution.

Intervenant(s)

Philippe Huneman

CNRS, IHPST

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