Résumé
La compréhension mutuelle pendant une conversation est un processus extrêmement rapide et efficace : nous pouvons traiter trois mots par seconde, souvent plus. Cette observation n’est cependant pas conforme aux expériences de laboratoire montrant que le traitement d’un seul mot peut prendre jusqu’à une seconde. La rapidité du traitement s’explique par notre capacité à prédire ce que va dire l’interlocuteur, d’une certaine façon à la manière des modèles de langage. Aujourd’hui, il n’existe pas de modèle global permettant d’intégrer à une architecture classique du traitement du langage (de la phonétique à la sémantique en passant par la syntaxe) ce phénomène de facilitation reposant sur la prédiction. Je présenterai les bases d’un tel modèle permettant d'expliquer comment cohabitent des processus superficiels (effets de facilitation) et profonds (en cas de difficulté). Cette architecture repose sur un mécanisme central, la prédiction, que je décrirai en l’abordant à la fois du point de vue computationnel et neurolinguistique. Cette approche repose sur les résultats obtenus dans le cadre de théories récentes en sciences cognitives (« prediction-by-production ») et en neurosciences (« predictive coding ») conduisant à penser que les participants à une conversation utilisent le même mécanisme pour produire et comprendre la parole.