L’intérêt que suscite la théorie bayésienne en psychologie cognitive se fonde sur certaines observations qui suggèrent que le très jeune enfant, dès les premiers mois, serait capable d’un raisonnement plausible, probablement inconscient. Par exemple, un bébé de 12 mois, voyant le contenu d’une urne, peut anticiper le résultat d’un tirage aléatoire : si l’urne contient trois objets bleus et un jaune, l’enfant manifeste sa surprise en regardant plus longuement lorsque c’est l’objet jaune qui sort (Teglas, Girotto, Gonzalez & Bonatti, 2007 ; Teglas et al., 2011). Et inversement, comme l’a décrit Laura Schulz dans le séminaire, les bébés de 8 mois peuvent inférer le contenu d’une urne à partir de quelques échantillons (Gweon, Tenenbaum & Schulz, 2010 ; Xu & Garcia, 2008).
Joshua Tenenbaum et ses collaborateurs suggèrent que l’apprentissage du langage fournit l’un des exemples les plus convaincants d’apprentissage bayésien par induction (Kemp & Tenenbaum, 2009 ; Perfors, Tenenbaum, Griffiths & Xu, 2011 ; Tenenbaum, Kemp, Griffiths & Goodman, 2011). En effet, la théorie apporte des éléments de réponse au « scandale de l’induction » débattu depuis l’Antiquité (Platon, Aristote, Kant, Peirce, Quine, Russell), et que Tenenbaum résume ainsi : « comment nos esprits parviennent-ils à inférer autant à partir de si peu ? » Les enfants et les adultes réalisent quotidiennement des inférences très sophistiquées, alors qu’il semble évident que les données disponibles ne le justifient pas. Par exemple, tout scientifique sait que « corrélation n’est pas causation » – et pourtant, les humains infèrent régulièrement des relations causales, sur la base de données en nombre si faible qu’elles ne suffiraient même pas à calculer un coefficient de corrélation.