L’inconvénient majeur de l’approche strictement biomimétique est qu’elle empêche le chimiste d’explorer un large espace d’atomes et de molécules pour atteindre l’objectif visé, puisque le principe est la copie stricte du site actif. Une autre approche plus intéressante, dite de « chimie bio-inspirée », parie sur le fait qu’une connaissance précise de la structure d’un site actif enzymatique peut être exploitée pour inventerdes catalyseurs dont les principes de fonctionnement s’inspirent de ceux de l’enzyme en activité. Cette seconde variante autorise notamment l’utilisation d’éléments chimiques ou de combinaisons d’atomes que la nature n’a ni explorés pour des questions de biodisponibilité, ni sélectionnés à cause par exemple de leur toxicité durant l’évolution, mais qui respectent tout aussi bien le cahier des charges identifié dans l’enzyme. on parlera alors de modèles « bio-inspirés ». De tels catalyseurs présentent de nombreux avantages. Faciles à synthétiser et peu couteux à produire à grande échelle, ils peuvent, contrairement aux enzymes dont ils s’inspirent, être utilisés dans de nombreux solvants organiques ou même dans l’eau, pour certains, et dans une grande gamme de températures ou de pressions. Ils sont également moins sensibles à l’oxydation à l’air.
Parmi les inconvénients, les catalyseurs bio-inspirés sont souvent moins actifs, moins stables et moins sélectifs que les enzymes. Solubles, ils souffrent également d’un problème récurrent en catalyse homogène, celui de leur intégration dans un procédé technologique. Ainsi, la découverte d’un catalyseur moléculaire prometteur pour une application industrielle appelle souvent son greffage sur un matériau insoluble. Ce concept a été illustré pendant ce cours par la mise au point, réalisée dans notre laboratoire et publiée dans les revues Science en 2009 et Angew. Chem. en 2011, d’un catalyseur à base de nickel, inspiré du site actif des hydrogénases à Ni et Fe. Ce complexe, greffé sur des nanotubes de carbone, possède des propriétés catalytiques remarquables pour la réduction des protons en hydrogène et l’oxydation de l’hydrogène, ouvrant des perspectives intéressantes pour la mise au point d’électrolyseurs et de piles à combustible sans métaux nobles. Un film, racontant cette aventure et réalisé par M. Chauvin avec la collaboration de M. Fontecave et V. Artero, est projeté au cours de la séance.