Le dernier cours a été consacré aux interactions biodiversité/écologie/économie. Comment réconcilier écologie et économie comme le défendaient Robert Barbault et Jacques Weber[11] ? Et comment continuer ainsi dans un monde dans lequel 20 % des humains gèrent et consomment 80 % des ressources ? Madame Gro Harlem Brundtland, alors Premier ministre de la Norvège et chargée par l’ONU de la présidence de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, écrivait en 1987 :
« Le développement durable c’est un développement qui satisfait les besoins de la génération présente tout en préservant pour les générations futures la possibilité de satisfaire les leurs.[12] »
Les économistes se sont emparés du schéma de Rockström (2009), discuté lors du cours précédent, et tentent de l’aborder avec des outils économiques. En fait, le problème consiste à passer activement d’une vision économique anthropocentrée à une vision écocentrée. Le paradoxe de notre société est que l’inégal accès à la consommation conduit riches et pauvres à aspirer à la poursuite de la croissance. Par ailleurs, l’horizon des décideurs politiques demeure très court, la prochaine élection ayant lieu dans quelques mois ou quelques années. Enfin, en économie « classique », la nature n’a pas de valeur en elle-même, elle en acquiert uniquement à travers le travail humain. Il faut donc basculer dans un autre système où l’on tient compte de la valeur des services écosystémiques. Il nous faut absolument élaborer de nouveaux indices du développement et de la croissance qui tiennent également compte du bien-être des humains :
« […] aller vers une vraie économie verte, c’est-à-dire propre à satisfaire les besoins de toute l’humanité sans détruire les bases naturelles de la vie, suppose des transformations bien plus profondes de nos modes de production et de consommation que ce qui nous est proposé aujourd’hui. Des transformations qui, loin de nous faire vivre moins bien, pourraient au contraire nous permettre de vivre mieux […][13] »
Robert Barbault écrivait en 2010 :
« On les a longtemps pris pour des compteurs de papillons et de grands sentimentaux, les défenseurs de la biodiversité... Mais celle-ci n’est pas l’apanage de poètes romantiques. Fruit de milliards d’années d’évolution, c’est elle qui a permis le succès de la vie sur Terre y compris de l’espèce humaine. Qu’elle prenne la forme de choux, de carottes, d’oiseaux ou de vermisseaux, elle conditionne notre futur et nous ne pouvons nous en passer. Nier cette évidence nous expose à des lendemains bien sombres… À l’évidence, la dégradation de la biodiversité nous renvoie à nos dysfonctionnements en tant qu’espèce sociale et c’est principalement notre dimension humaniste qu’elle remet en cause… »
Un beau travail sorti dans la revue Science[14] a analysé le fait de prendre en compte la valeur des services écosystémiques dans la gestion des usages des terres au Royaume-Uni et conclu à un rendement bien meilleur à long terme que dans l’agriculture actuelle, tout en préservant la biodiversité. La planification écologique n’a pas vocation à remplacer le marché, mais à l’encadrer là où il se montre inefficace, disait James K. Galbraith en 2012, et il faut aujourd’hui transformer l’économie pour vivre mieux en consommant moins.Le développement des sciences participatives[15] et les approches de bio-inspiration[16] sont des outils très intéressants et efficaces pour améliorer la situation et harmoniser les relations Homme-Nature. Les vraies richesses sont d’abord le produit de l’intelligence humaine et de la connaissance, qui peut s’accumuler sans fin, du partage et de l’humilité ! Nos possibilités techniques sont sans commune mesure avec ce que nous avons connu auparavant, alors mettons tout cela en musique et méritons enfin ce terme de « sapiens » dont nous nous sommes affublés !