Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Mauriac et Aragon sont encore les deux grands écrivains de 1966 – avec Malraux et Sartre –, les représentants de deux églises ennemies : la catholique et la communiste, Rome et Moscou, Le Figaro et L’Humanité.

Mauriac occupe largement la scène littéraire et politique de la saison, avec son « Bloc-notes » hebdomadaire du Figaro littéraire. Il est à cheval, comme Aragon, entre la politique et la littérature, bénéficie d’une double légitimité. En septembre 1965, il publie chez Flammarion son dernier examen de conscience, les Nouveaux Mémoires intérieurs (après les Mémoires intérieurs en 1959), recueil d’articles et d’extraits du « Bloc-notes », avec un « Épilogue » et une « Postface ». La réception est unanime dans l’éloge et le livre est consacré à la fois par les tirages et par la critique. Mais l’un des grands événements de l’automne est son quatre-vingtième anniversaire, qui prend la forme d’une véritable commémoration nationale. Le point d’orgue survient le 10 novembre 1965 avec un dîner au Ritz organisé par Bernard Privat et Yves Berger, au nom des éditions Grasset, devant deux cents invités, en présence de Georges Pompidou, Premier ministre, Christian Fouchet, ministre de l’Éducation nationale, et de nombreux écrivains comme Julien Green, Ionesco, Robbe-Grillet, François Nourissier, Matthieu Galey, la princesse Bibesco. À travers lui, c’est le sacre du dernier grand écrivain régnant, rejoignant Bourget et Robbe-Grillet, même si cette reconnaissance s’accompagne chez certains d’une haine farouche : un grand arc antigaulliste hostile à Mauriac va du Nouvel Observateur à la droite nationaliste, par exemple le 15 décembre 1965, quand l’écrivain préside le meeting gaulliste organisé au Palais des Sports par Malraux.

Le lien entre Mauriac et Aragon pourrait se faire par Godard. Le cinéaste se trouve sur la route de tous les grands écrivains de l’époque : Mauriac est le grand-père de la jeune Anne Wiazemsky, qui s’apprête à tourner Au hasard Balthazar ; Godard la rencontre sur le tournage de Bresson, qu’il était venu interviewer. En cet été 1965, il est au centre des polémiques avec la sortie de Pierrot le fou. Aragon réagit contre les attaques visant le cinéaste dans un bel éloge : « Qu’est-ce que l’art, Jean-Luc Godard », dans Les Lettres françaises en septembre 1965. Il y déclare aimer Godard, « car il est tout langage. […] Le désordre de notre monde est sa matière. » Ce soutien à Godard lui vaut les attaques de Guy Debord dans L’Internationale situationniste.

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