Amphithéâtre Marguerite de Navarre, Site Marcelin Berthelot
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Les Belles Images, le roman de Beauvoir sur 1965-1966, décrit la soirée du Réveillon du 31 décembre 1965 et rapporte une conversation de salon : « Vous avez vu hier, à la télé, la rétrospective ? – Oui, dit Laurence ; il semble qu’on ait vécu une drôle d’année : je ne m’en étais pas rendu compte. – Elles sont toutes comme ça et jamais on ne s’en rend compte. » La conversation dévie sur l’époque et l’avenir : « Je me demande ce qu’on pensera dans vingt ans du film sur la "France dans vingt ans". » Il s’agit d’une émission réalisée à partir d’un rapport de prospective du Commissariat général au Plan : six épisodes de 60 minutes sur la première chaîne posant les problèmes de l’urbanisation, du monde rural, des loisirs.

Plus loin dans le même dîner de Réveillon, on trouve une mention du magazine Planète : « […] cette époque est si platement positiviste que par compensation les gens ont besoin de merveilleux. On construit des machines électroniques et on lit Planète ». Autre signe des temps, Planète exploite le succès du best-seller de Louis Pauwels et Jacques Bergier, Le Matin des magiciens. Introduction au réalisme fantastique (1960), mêlant ésotérisme et science-fiction. Cette revue illustre l’affrontement entre une culture jeune et une culture légitime, mais également un optimisme général, dont on peut trouver la trace dans le mélange du scientisme et du merveilleux.

La société de 1966 apparaît comme une société jeune et optimiste. Une « culture jeunes » a fait son apparition à la radio, à la télévision et dans les magazines, identifiée à la chanson, notamment à Salut les copains et Âge tendre et tête de bois. Le transistor, la mobylette, le livre de poche et le briquet jetable sont ses objets fétiches. De nombreux travaux récents, en particulier ceux d’Edgar Morin, étudient le poids démographique des jeunes, à la suite du baby-boom, adolescents à partir de 1960, étudiants à partir de 1964. L’adolescence des années soixante est un moment d’abondance, après des enfances de restriction dans les années 50 : 72,5 % des ménages sont équipés d’un réfrigérateur en 1968 contre 7,5 % en 1954 ; en 1966, on franchit le seuil de la moitié des foyers équipés d’un téléviseur.

Les jeunes ne sont ni une catégorie, ni une couche, mais un lectorat ou un public. Ce sont, en fait, des agents économiques. Les jeunes ont désormais un pouvoir d’achat, de l’argent de poche (on pense au transistor et à la mobylette dans Au hasard Balthazar) ; les jeunes sont un marché, pour les produits de beauté, les disques, la presse et la publicité. Mais cette classe n’est pas homogène ; Edgar Morin signale beaucoup de nuances entre le blouson noir et le beatnik, même s’il perçoit des traits communs : une panoplie (« blue-jeans, polos, blousons et vestes de cuir, et actuellement la mode est au tee-shirt imprimé, à la chemise brodée ») ; des « biens de propriété "décagénaires" : électrophone, guitare de préférence électrique, radio à transistors, collection de quarante-cinq tours, photos » (biens culturels) ; un langage (« "terrible", "sensass" ») ; des cérémonies (surprise-partie, music-hall) ; et enfin des idoles.

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