Les grammaires des langues naturelles doivent spécifier au moins deux types de procédures : des procédures de combinaison des mots, qui construisent des structures organisées hiérarchiquement, et des procédures qui établissent des dépendances entre des positions structurales, par exemple en établissant des relations d’accord grammatical, ou en déplaçant un élément d’une position à une autre. Les deux procédures peuvent engendrer leurs propres facteurs de complexité.
En ce qui concerne la construction de la structure, je voudrais en illustrer la complexité en présentant quelques résultats des études cartographiques, une ligne de recherche qui se focalise sur les détails fins des structures syntaxiques en dessinant des cartes structurales aussi précises que possible. A travers la loupe cartographique, on peut montrer que les structures sont beaucoup plus complexes et étoffées qu’on ne l’aurait pensé auparavant. Néanmoins, elles sont construites par des mécanismes générateurs extrêmement simples : c’est le fonctionnement récursif du système s’appliquant à un lexique fonctionnel très riche et différencié qui détermine la complexité des structures (Rizzi et Cinque 2016).
En ce qui concerne le deuxième type de complexité, je voudrais l’analyser à partir de la fenêtre offerte par l’acquisition du langage. L’acquisition de la première langue chez l’enfant se fait d’une manière remarquablement rapide et efficace. Néanmoins, certaines constructions grammaticales restent difficiles pendant longtemps pour l’apprenant : le passif, certaines questions, relatives et clivées qui portent sur l’objet direct, et encore d’autres constructions, posent des problèmes en compréhension et sont évitées en production. Qu’est-ce qui détermine la difficulté de ces structures pour les enfants ? Les travaux récents à la frontière entre linguistique théorique et psycholinguistique du développement ont identifié une source systématique de complexité dans les structures d’« intervention », où un élément avec certaines caractéristiques structurales s’interpose entre les positions à relier (Friedmann et al. 2009).
Je voudrais conclure ma présentation en discutant des relations étroites qui existent entre la complexité cartographique des structures et les effets d’intervention dans la grammaire adulte et dans le développement du langage.