Résumé
Qu’est-ce que l’approche de l’alimentation par les sciences humaines et sociales (food studies) doit aux concepts de civilisation et d’identité ? Pour tenter de répondre trois mouvements veines scientifiques seront explorés (1) le « processus de civilisation » de Norbert Elias et ses enracinements théoriques dans la sociologie allemande qui distingue « culture » et « civilisation », (2) les « influences entre civilisations » de Maxime Rodinson et leur place dans les controverses entre l’islamologie mystique et le marxisme des années 1960, enfin (3) « l’entrecroisement des civilisations » de Roger Bastide et ses relations à l’anthropologie française.
Outre les enracinements théoriques sera questionnée la place de l’alimentation dans le rapport à l’empirie au sein de ces trois veines, les traités de bonnes manières et les appareils de normes sociales pour Elias, les livres de cuisine et les pratiques culinaires pour Rodinson ou les aliments dans les rituels afro-brésiliens et les systèmes symboliques pour Bastide. Enfin, l’analyse des relations entre le(s) concept(s) d’identité et de civilisation permettra de voir les contributions de la sociologie de l’alimentation et des food studies qui tentent de dépasser les tautologies du culturalisme en posant les modèles alimentaires comme lieu de lecture, d’entretien, de transmission et de (re)construction des identités sociales.