Résumé
C’est à partir de la rationalisation des mœurs opérée par L’Esprit des lois que sont apparues dans la seconde moitié du XVIIIe siècle des théories de la « civilisation ». En France et en Écosse, ces théories émergentes héritent de la représentation de la causalité historique élaborée par Montesquieu et tentent d’évaluer le rôle des grands législateurs ainsi que la part qu’il convient d’accorder à l’irrationnel et à l’involontaire dans l’histoire, dans le cadre d’une relégation du schème contractualiste. Mais là où les premières, en France, accordent généralement le primat aux causes morales d’ordre politique, les secondes, en Écosse, reconstruisent les rapports du physique et du moral grâce aux apports d’une science nouvelle, l’économie politique.
Notre communication abordera les questions suivantes. Selon quel processus le projet d’une « science des mœurs », qui connaît encore des émules du temps de Montesquieu, s’est-il effacé devant la volonté de procéder à une description empirique de la diversité des sociétés ? Pourquoi cette tentative d’abord descriptive ou explicative s’est-elle rapidement traduite, au XVIIIe siècle, par l’avènement de théories de la civilisation – prenant parfois la figure de philosophies de l’histoire ou d’histoires naturelles de l’homme ? À quelles conditions théoriques s’est opérée cette mutation, et, le cas échéant, à quel prix ?