En parallèle à l’étude de l’interface air-mer, il est logique d’essayer de suivre directement l’invasion de CO2 anthropique dans les profondeurs de l’océan. Le problème est que la teneur en CO2 dissous varie beaucoup de la surface à 5 km de profondeur ainsi qu’en fonction du bassin océanique considéré. La perturbation attendue est donc plus petite que les gradients naturels, notamment les contrastes entre la surface et le fond ainsi que les différences systématiques entre les bassins océaniques profonds, depuis de faibles teneur en Atlantique nord jusqu’aux maximales du Pacifique nord-est.
Afin de quantifier les anomalies récentes, il est important de bien comprendre la distribution naturelle du carbone inorganique dans l’océan. Le CO2 atmosphérique se dissout dans l’eau de mer et son hydratation conduit à la formation d’acide carbonique avec deux dissociations. La teneur totale en CO2 (TCO2) est donc constituée de CO2 aqueux et hydraté, ainsi que d’ions carbonates et bicarbonates, de loin les plus concentrés. En profondeur, le TCO2 augmente à cause de la reminéralisation des tissus mous et durs du plancton : oxydation biologique de la matière organique par les bactéries marines et dissolution physicochimique du carbonate de calcium solide. Ceci explique les covariations fines (rapports de Redfield) observées entre le TCO2 et les sels nutritifs dissous, notamment les ions phosphates et nitrates. Cette reminéralisation profonde couplée à la dynamique physique de l’océan permet d’expliquer la distribution des éléments nutritifs en surface, et, par conséquence, la productivité biologique primaire. Cette distribution est en accord avec les cartographies de la chlorophylle de surface réalisées par les satellites (Coastal Zone Color Scanner CZCS suivi de Sea-viewing wide field-of- view Sensor SeaWIFS). Les spectromètres embarqués mesurent la couleur de la mer, la concentration en chlorophylle étant corrélée au rapport des réflectances dans le bleu et le vert.