3) Le chorasmocentrisme. Extrapolant à l’Antiquité le rôle dominant que le Khorezm eut effectivement sous la dynastie médiévale des Khwârazmshâh, Tolstov considère qu’il fut l’agent principal de la lutte des peuples centrasiatiques contre les impérialismes perse, puis grec, puis arabe, et au contraire la base arrière de l’Empire kouchan. J’ai déjà mentionné son idée d’une confédération dynastique avec les Arsacides et les Kouchans, c’est-à-dire les deux principales puissances iraniennes qui ont succédé au pouvoir grec. Dans cette confédération, la dynastie du Khorezm aurait joué en quelque sorte le rôle de branche aînée. C’est en ces termes, et pas en termes d’une emprise venue du Sud, qu’il faut comprendre ce qu’il entendait par l’inclusion du Khorezm dans l’empire kouchan et dans l’aire de circulation monétaire kouchane.
4) Les surinterprétations religieuses : tout en admettant que le Khorezm avait été l’un des premiers pays gagnés par le zoroastrisme (il souscrit à l’identification Khorezm – Airyanǝm Vaējah de l’Avesta, alors admise par l’iranologie occidentale), il voit cette religion non comme une réforme éthique mais comme l’expression d’une mentalité archaïque, avec des aspects totémiques remontant au stade de la « communauté primitive ». Il retrouve ces traits sous une forme particulièrement exacerbée dans ce qu’on peut saisir de la variante chorasmienne du zoroastrisme. Lues aujourd’hui, ces spéculations apparaissent un peu comme un fatras où l’on peine à reconnaître le grand Tolstov qui écrit sur les canaux ou les forteresses. Cette faiblesse a été peu ou prou celle de toute l’école soviétique d’anthropologie : scrupuleuse dans la description de terrain, y compris dans les aspects raciaux, mais affectée d’une certaine pauvreté théorique, avec des références dépassées et d’un éclectisme mal combiné. La référence ultime reste Morgan (matriarcat, totémisme), comme elle l’avait été pour Marx, Engels et Staline, à l’écart des renouvellements anglo-saxons et français.