Extrait
Le public prête aux économistes un pouvoir d'influence, admiré ou jalousé, vanté ou suspecté, mais un pouvoir d'influence dont la réalité n'est pas pleinement établie, si j'en juge par les déclarations divergentes de deux éminents représentants de la profession.
John Maynard Keynes, l'économiste sans doute le plus célèbre du siècle qui s'achève, est catégorique, les « idées des économistes et des philosophes politiques, qu'elles soient justes ou fausses, sont plus puissantes qu'on ne le croit généralement. À vrai dire, il n'ya pas grand chose d'autre qui gouverne le monde », et ajoute-t-il, sans le savoir, les hommes politiques sont souvent prisonniers des conceptions d'un « économiste défunt ».
Pour Georges Stigler, au contraire, l'abrogation des Corn Laws en 1846, un des événements les plus importants de l'histoire économique anglaise et européenne du XIXe siècle ne doit rien à la réflexion savante : « si Cobden (l'économiste qui les a inspirées) avait bégayé en yiddish et si Peel, (le Premier ministre qui les a mises en œuvre) avait été un homme étroit et stupide, l'Angleterre n'en aurait pas moins pris la route du libre échange… »