Une coproduction Collège de France – CNED
Extrait
« L’étude des civilisations mortes constitue ainsi, à mon sens, un outil irremplaçable pour garder un contrôle sur les affirmations concernant l’identité de sa communauté, de son pays, de son continent, non moins que sur les discours identitaires des autres. Vous ne serez pas surpris si je vous dis que l’histoire des religions du passé – ou des religions dans le passé – a mission de jouer dans ce contrôle un rôle capital. En opposant aux discours sectaires les armes universelles de l’histoire, de la philologie et de l’anthropologie, bref tout l’arsenal de la science et de la raison, l’histoire des religions du passé nous met en mesure de dégonfler les mythes modernes, ceux des autres, mais également les nôtres. Elle permet de repérer la projection dans le passé imaginaire des "origines" de fantasmes nationalistes, religieux ou racistes, et de désarmer les interprétations outrées qui peuvent être faites des textes sacrés. À l’intérieur des nations héritées du XIXe siècle, l’histoire ancienne peut aider à déconstruire la représentation que les États-nations se font parfois de leur passé, en montrant que malgré leur apparente proximité, leurs "ancêtres", souvent supposés tels, sont aussi éloignés de la société actuelle que les habitants des antipodes, et n’étaient guère conformes à l’image qu’on en donne. Elle permet de contester le "miracle grec", le "génie romain", la "supériorité germanique", ou encore la dialectique hégélienne qui veut que les religions et l’histoire tendent vers le monothéisme chrétien (…) ».