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L’Italie médiévale face à sa nature

Avenir Commun Durable
Paysage pastoral, Zais, Giuseppe, Italie Vénétie Venise. Musée de Louvre

Avenir Commun Durable, fidèle à sa mission d’origine, soutient le Collège de France dans ses activités de recherche. En 2024, suite à un appel à projets suivi, l’initiative a décidé de soutenir trois projets ambitieux. L’un d’eux s’intitule « Pour une épistémologie de l’enquête sur les socio-agrosystèmes préindustriels ».

Depuis vingt ans, les « humanités environnementales » constituent un nouvel horizon de la recherche pour l’ensemble des sciences sociales. Cet essor est intimement lié aux préoccupations contemporaines grandissantes que nourrit la destruction par l’espèce humaine de son propre milieu de vie. Toutefois, l’historicisation des rapports des sociétés à leur environnement apparaît encore insuffisante, alors même qu’elle permet à la fois de tenir à distance de supposées évidences qui faussent les débats actuels et de faire émerger des concepts utiles à la relecture des relations entre les humains et les composantes de leur milieu de vie. En effet, si les sociétés agraires préindustrielles fonctionnaient selon des équilibres que l’on peut – selon nos catégories contemporaines – qualifier de « durables », elles n’ont pourtant été épargnées ni pas les logiques d’exploitation intensive ni par les volontés de maximisation de la productivité des hommes et des terres comme le montre l’agriculture irriguée de Lombardie entre le XIIIe et le XVIe siècle.

D’autre part, la conception d’une conquête progressive de la nature hostile tout au long du Moyen Âge, débouchant sur la réduction à portion congrue des forêts européennes par les assauts des moines défricheurs a fait long feu. Les notions de « régime d’anthropisation » et de « gradient d’anthropisation » remplacent peu à peu la grille de lecture binaire qui opposait jusque-là nature cultivée et nature sauvage. C’est un approfondissement de ces dynamiques d’historicisation et un renforcement de son cadre épistémologique que propose le projet en se penchant sur le cas de la plaine du Pô lombarde au Moyen Âge.

Les sécheresses des étés 2022 et 2023 ont en effet dramatiquement mis en lumière la dépendance de l’agriculture lombarde au débit du fleuve Pô. Or, l’agriculture lombarde est une agriculture fortement irriguée, et ce depuis le XIIe siècle, date à laquelle sont attestées les premières grandes entreprises de creusement de canaux qui relient la ville de Milan – dépourvue de voie d’eau – au réseau hydrographique qui l’entoure (rivières Tessin et Adda, fleuve Pô et lac de Côme). Le creusement de ces grands canaux est le fruit d’une volonté politique et économique soutenue par les plus importants acteurs régionaux que sont la Commune de Milan, les institutions ecclésiastiques mais aussi les familles de seigneurs fonciers possessionnés dans cet espace.

Le projet de recherche entend donc réfléchir à la manière dont il est possible d’historiciser le rapport des sociétés à leurs environnements en s’intéressant particulièrement aux processus en jeu à la période médiévale. L’objectif est de poser les bases théoriques d’une convergence épistémologique entre les humanités environnementales dans un moment d’ébullition de la recherche sur ces questions.

Le projet est porté par Patrick Boucheron et François-Xavier Fauvelle, tous les deux professeurs du Collège de France.

L’initiative Avenir Commun Durable bénéficie du soutien de la Fondation du Collège de France, de ses mécènes, Faurecia et Saint-Gobain, et de ses grands mécènes La Fondation Covéa et TotalEnergies.