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Découverte archéologique à Amarynthos

Vue aérienne du sanctuaire d'Amarynthos en 2020 avec la reconstitution virtuelle du grand portique et l'emplacement du temple d'Artémis
Vue aérienne du sanctuaire d'Amarynthos en 2020 avec la reconstitution virtuelle du grand portique et l'emplacement du temple d'Artémis (rectangle blanchâtre en surimpression).

Au printemps 2019, la lettre d’information de la Fondation du Collège de France avait rendu compte de la découverte à Amarynthos, dans l’île d’Eubée (Grèce), d’un très important site archéologique dont la localisation avait été rendue possible grâce aux déductions du Pr Denis Knoepfler, ancien titulaire de la chaire Épigraphie et histoire des cités grecques (2003-2014). On ne reviendra donc pas ici sur cet aspect des recherches, si ce n’est pour rappeler qu’il fallut, depuis 1969, près d’un demi-siècle d’investigations dans les textes et sur le terrain pour faire comprendre que ce sanctuaire d’Artémis dite Amarysia (adjectif dérivé depuis la plus haute antiquité du nom même d’Amarynthos) ne se trouvait pas au voisinage immédiat de la cité d’Érétrie – comme semblait l’impliquer un très précieux témoignage du géographe Strabon (époque d’Auguste) –, mais à environ 11 km du rempart de cette ville antique, fouillée depuis 1964 par l’École suisse d’archéologie en Grèce, dont le siège est à l’Université de Lausanne (ESAG).

Denis Knoepfler et Sylvian Fachard (actuel directeur de l'ESAG) lors de la découverte initiale du site archéologique
Denis Knoepfler et Sylvian Fachard (actuel directeur de l'ESAG) lors de la découverte initiale du site archéologique.

Dans cette quête de l’Artémision d’Amarynthos un premier tournant a été marqué par la mise au jour en 2007 (suite à un sondage exécuté par des membres de l’ESAG, avec l’accord des autorités supérieures du Service archéologique grec) d’une fondation massive laissant présager l’existence d’un édifice de grandes dimensions. Entamée en 2012 et progressivement étendue, l’exploration de ce secteur a effectivement montré qu’il s’agissait d’une stoa ou portique monumental de la fin du IVe siècle av. J.-C., qui avait été installé sur des structures plus anciennes. L’extension des fouilles sur de nouveaux terrains – acquis grâce au soutien financier de la Confédération helvétique – a permis de franchir une nouvelle étape, avec la découverte en 2017 d’un puits profond, dont le double escalier d’accès était fait de blocs de marbre. Plusieurs d’entre eux portaient des inscriptions prouvant que l’on était bel et bien sur le site d’un sanctuaire consacré à Artémis, à son frère le dieu Apollon et à leur mère Léto, divinité d’origine étrangère aimée du grand Zeus. Ces résultats, décisifs pour l’avenir du site, ont fait l’objet, en juin 2018, d’une communication à Paris devant l’Académie des inscriptions et belles-lettres, où les deux principaux responsables de la fouille, MM. Karl Reber, alors directeur de l’ESAG, et Tobias Krapf, chef du chantier, sont intervenus tour à tour, après que le Pr Pierre Ducrey (au nom de la Fondation pour l’École suisse de Grèce et en présence de Son Excellence l’ambassadeur de Suisse en France) eut introduit cette séance et avant que le Pr Denis Knoepfler ne tire lui-même le bilan épigraphique et historique des travaux menés à Amarynthos (voir Comptes Rendus de l’AIBL 2018, p. 845-953, avec une riche illustration).

Partie du dépôt de vases figurés au moment de sa découverte en 2020
Partie du dépôt de vases figurés au moment de sa découverte en 2020.

Mais l’aventure ne s’est pas arrêtée là, puisque, dès l’été 2019, deux découvertes majeures ont encore été faites. D’une part, en effet, le démontage des escaliers du puits (en vue de la restauration de ce dispositif) a conduit à l’extraction d’un nouveau lot de documents inscrits, dont un décret de la cité qui, au témoignage même de l’inscription, devait être exposé dans le hiéron (« lieu sacré ») d’Artémis à Amarynthos, en Amarunthoi : ainsi étaient levés les derniers doutes possibles sur l’identification. D’autre part et surtout, l’extension de la fouille en direction de l’ouest faisait apparaître – au-delà d’une fondation ayant toutes chances d’être celle d’un autel monumental (bômos) – la façade ruinée d’un assez imposant édifice, qui devait s’avérer être le temple (naos) de la déesse. L’hypothèse s’est en effet confirmée lors des deux campagnes de 2020 et de 2021 (réalisées en dépit des difficultés liées aux mesures contre la pandémie), avec la mise au jour, dans les fondations mêmes du temple, d’un extraordinaire dépôt contenant plus de 500 objets précieux : vases à décor figuré provenant des ateliers d’Athènes ou d’ateliers locaux à la fin du VIe siècle av. J.-C., très nombreuses figurines de terre cuite montrant la déesse le plus souvent assise, bijoux d’or et pierres précieuses, sans oublier quelques armes offertes à Artémis, dont un grand bouclier de bronze remarquablement conservé. C’est à une doctorante de l’Université de Genève, Tamara Saggini – épaulée par deux vétérans de l’archéologie érétrienne, Thierry Theurillat et Samuel Verdan –, qu’a été confiée la mission d’effectuer cette opération très délicate, à laquelle le professeur a eu le privilège d’assister en direct. Sur la base d’un communiqué diffusé par le ministère grec de la Culture, plusieurs quotidiens – grecs et suisses notamment – ont déjà fait connaître la découverte de ce trésor.

Une des figurines en terre cuite représentant la déesse Artémis assise
Une des figurines en terre cuite représentant la déesse Artémis assise.

Ajoutons un dernier point : depuis la présente année 2021, c’est au Pr Sylvian Fachard (Université de Lausanne) qu’incombe la direction des recherches à Amarynthos, auxquelles il a d’ores et déjà donné une impulsion nouvelle en inaugurant cet été même, avec toutes les ressources technologiques actuelles, une exploration en surface du pays environnant afin d’y repérer, en particulier, le tracé de la voie sacrée (hiéra hodos) qui menait du rempart de la ville à l’entrée du sanctuaire sur une distance désormais assurée de soixante (et non pas de sept !) stades. Or, en 2008 déjà, cet archéologue très expérimenté avait pu, à l’invitation du professeur, entretenir avec succès les auditeurs et auditrices du séminaire d’épigraphie au Collège de France des résultats de ses investigations dans le territoire (chôra) de la cité d’Érétrie. Raison de plus pour que les membres de notre communauté soient informés des plus récents développements de la fouille conduite à Amarynthos par l’ESAG en étroite collaboration avec le Service archéologique grec (Éphorie de l’Eubée dirigée par Mme Angéliki Simosi).

Premières mesures prises par un restaurateur en 2021 pour consolider un grand bouclier de bronze avant son déplacement au musée
Premières mesures prises par un restaurateur en 2021 pour consolider un grand bouclier de bronze avant son déplacement au musée.