Peut-on représenter les lieux d'un exil, quand l'exilé ne perçoit rien comme « sien » ? Quand – surtout pour Dante – les noms qui composent le paysage de la mémoire ressurgissent en une douloureuse litanie : « Sacchetti, Giuochi, Fifanti, et Barucci / [...] Sizii et Arrigucci » (Par., XVI, 104 et 108). Alberto Manguel et Nicola Giuseppe Smerilli nous emmènent dans un voyage à Ravenne à travers les yeux de Dante, contemplant les regards éternels qui le fixaient depuis les icônes en mosaïque des monuments byzantins dans le lieu qui fut son dernier refuge. La suggestion qui descend de ces murs bleu et or dicte non seulement les vers lumineux du Paradis, mais supprime également tout semblant d'« ici » : « Dante a des images de séparation et d'adieu. Il est très difficile de descendre les marches de ses nombreux vers d'adieu ». La formule d'Osip Mandel'štam nous accompagne dans ce voyage de mots et d'images, prêts à s'estomper à la vue pour s'imprimer dans l'esprit, dans une délicate gravure d'éternité : « [...] si’ come cera da suggello , / che la figura impressa non trasmuta (« comme la cire est sous le sceau / ne changeant plus sa figure empreinte ») (Purg., XXXIII, 79-80). Un livre qui réunit, comme le note Alberto Manguel, « le souffle de l'univers dans le souffle de la parole ».
Manguel A. et Giuseppe Smerilli N., Dante. Orizzonti dell'esilio/Landscapes of Exile, con una Nota di/With a Note by Carlo Ossola, Florence, Olschki, 2022, 152 p.
ISBN : 978-8-8222-6847-1
Parution : 19 septembre 2022