Une coproduction Collège de France – CNED
Extrait
« C’est tout comme aujourd’hui dans les derniers jours de mars, mais en 1800, que se situe l’épisode, à vrai dire peu mémorable, qui me servira d’entrée en matière. Le 31 de ce mois-là, Alexandre de Humboldt descendait le cours du Rio Apure dans les llanos du Venezuela, jouissant du spectacle offert par une nature prodigieusement diverse que la civilisation n’avait pas encore troublée. L’Indien christianisé qui manœuvre sa pirogue s’exclame : "C’est comme dans le Paradis !" Mais le savant ne croit ni au bon sauvage ni à l’harmonie innocente d’un monde originaire ; aussi note-t-il dans son journal : "L’âge d’or a cessé, et, dans ce paradis des forêts américaines, comme partout ailleurs, une triste et longue expérience a enseigné à tous les êtres que la douceur se trouve rarement unie à la force." Constat presque banal du naturaliste doublé d’un ethnographe, attentif par formation comme par tempérament aux chaînes de dépendance, notamment alimentaires, qui unissent les organismes dans un écosystème tropical et peu enclin à voir dans les habitants de ces contrées les vestiges idéalisés d’un passé édénique. Mais constat nouveau dans le contexte de l’époque… »