Le troisième cours a examiné l’influence du langage sur la perception. Deux théories s’opposent. Selon Whorf et quelques autres chercheurs contemporains comme Lera Boroditsky, la perception peut être profondément modifiée par la disponibilité, ou non, d’un mot pour la décrire. Au contraire, selon Leila Gleitman et beaucoup d’autres chercheurs en sciences cognitives, les étapes initiales de la perception sont modulaires, indépendantes du langage, et d’éventuels effets linguistiques n’apparaissent que si les participants s’appuient sur le langage pour résoudre la tâche exigée. Un test clé permet de distinguer les deux théories : selon la seconde, l’éventuelle influence du langage doit disparaître si on empêche les sujets de faire appel à leurs processus linguistiques, par exemple en interférant avec ceux-ci.
Nous avons examiné l’état de la littérature empirique dans deux domaines : la perception des émotions et celle des couleurs. En ce qui concerne les émotions, les travaux de Paul Ekman font référence. Prolongeant les idées de Charles Darwin dans L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux (1872), Ekman montre que tous les groupes humains expriment et perçoivent de la même manière au moins six émotions de base : colère, dégoût, peur, joie, tristesse, surprise – une liste à laquelle Ekman ajoutera par la suite quelques autres émotions telles que le mépris, la honte, la fierté, la culpabilité… Leur expression sur le visage, et la capacité de les reconnaître seraient universelles. Différentes cultures peuvent cependant moduler l’expression de ces émotions, voire la réprimer dans certains contextes. Le cours a examiné en détail deux articles récents (Jack et al., 2012; Jackson et al., 2019) qui prétendent remettre en question les travaux d’Ekman, mais nous avons vus que leurs résultats ne montrent que de faibles variations cross-culturelles et surtout, ne prouvent absolument pas que ces différences soient déterminées par le lexique de la langue plutôt que par d’autres facteurs.