Présentation

Marcel Mauss est né le 10 mai 1872 dans une famille juive d’Épinal. Il est le neveu d’Émile Durkheim qui l’influence beaucoup. Plutôt que les cours de l’École normale supérieure, il choisit en 1890 de suivre ceux de son oncle à l’université de Bordeaux. Il s’y rapproche des mouvements socialistes et adhère au Parti ouvrier français en 1894. Après l’agrégation de philosophie (1895), il poursuit ses études à l’École pratique des hautes études (EPHE) et commence ses travaux sur les phénomènes religieux. Un voyage aux Pays-Bas et surtout en Angleterre pour préparer une thèse sur les origines de la prière (1898) lui permet de rencontrer Max Müller et James Frazer, que Mauss associe à l’« école anglaise d’anthropologie religieuse ».

Dès la fondation de L’Année sociologique par Durkheim en 1896, Mauss participe activement à la revue en publiant des comptes rendus, jusqu’à plusieurs dizaines par an. Ses premiers travaux sont régulièrement écrits à quatre mains, avec Durkheim mais aussi Henri Hubert, entre autres. Il déploie également une intense activité de militant dreyfusard, socialiste et coopérateur. Il est élu maître de conférences à l’EPHE en 1901, puis directeur adjoint des études en 1913.

Engagé volontaire en septembre 1914, attaché comme interprète à une division britannique, puis australienne et mobilisé sur le front, Mauss est salué par sa hiérarchie pour son engagement en première ligne. Il est démobilisé en janvier 1919. Plusieurs figures de l’école française de sociologie comptent alors parmi les millions de morts de la Première Guerre mondiale. Durkheim lui-même meurt en 1917 et, après la guerre, Mauss devient le dépositaire de sa méthode et hérite des travaux inédits ou inachevés de son oncle. En 1923, Mauss relance avec l’aide de nombreux durkheimiens la publication de L’Année sociologique, suspendue depuis le début de la guerre. Dès le premier numéro de cette nouvelle série, il publie l’Essai sur le don, l’un de ses travaux les plus célèbres. Il y introduit notamment la notion de « fait social total », l’un de ses concepts les plus influents. En 1925, Mauss fonde avec L. Lévy-Bruhl l’Institut d’ethnologie.

Mauss est nommé professeur titulaire de la chaire de sociologie du Collège de France le 3 février 1931, après avoir été élu par l’Assemblée des professeurs fin novembre 1930 sur présentation d’Antoine Meillet. C’est sa troisième tentative, après un échec en 1909 et une procédure qui n’aboutit pas l’année précédant son élection. Pendant dix ans, il met à profit ses cours au Collège de France pour éditer et publier des travaux inédits de Durkheim et des durkheimiens tout en développant son œuvre personnelle, dans la perspective de découvrir, derrière les phénomènes sociaux (le sacrifice, la prière, le don, les techniques du corps, etc.), des structures rationnelles.

Mauss prend sa retraite à l’automne 1940, pour ne pas exposer les institutions où il officie à une répression antisémite. La guerre lui est particulièrement pénible, sa femme est malade et alitée. Son appartement est spolié par l’occupant en août 1942. Il parvient à sauver sa bibliothèque avant d’emménager dans un logement petit et insalubre. Beaucoup de ses collègues et amis juifs et résistants sont déportés et assassinés, comme Maurice Halbwachs, élu en mai 1944 au Collège de France, peu avant d’être déporté à Buchenwald. Il est réintégré dans ses fonctions au Collège de France le 21 novembre 1944 et nommé professeur honoraire en février 1945. Très affaibli par les épreuves de la guerre, Marcel Mauss s’éteint chez lui, le 11 février 1950.