Présentation de la chaire
La chaire Langues hébraïque, chaldaïque et syriaque, occupée par Ernest Renan pendant trente ans (1862-1892), avait pour but l’étude linguistique et philologique de l’hébreu et de l’araméen antiques, attestés sous diverses formes notamment par les inscriptions ainsi que les textes religieux juifs et chrétiens anciens. On doit ainsi à Renan des travaux pionniers en français, tels que le Corpus inscriptionum semiticarum ou encore des travaux philologiques sur des livres bibliques comme Job, Cantique des cantiques ou l’Ecclésiaste.
Plus largement, cependant, Ernest Renan avait pour objectif de rendre compte de l’« esprit » sémitique, qu’il différenciait de l’esprit grec. Il percevait le premier comme inférieur, tout en reconnaissant aux Juifs une place unique dans l’histoire de l’humanité, liée en particulier à la production de la Bible qu’il voyait comme une passerelle entre l’Orient et l’Occident. En ce sens, les travaux de Renan au Collège de France ont aussi intégré une forte composante historico-religieuse. En dépit d’un a priori idéologique qui était courant à son époque et que l’on ne saurait accepter aujourd’hui, cet intérêt historique pour les religions juives et chrétiennes, couplé à une approche philologique pointue, a poussé Renan à produire de nouvelles synthèses sur les fondements historiques de ces deux religions. Sa Vie de Jésus renouvelait (voire bouleversait) la discussion sur les origines du christianisme, qu’il expliquait en des termes purement historiques. Renan a aussi contribué à faire connaître en France les théories scientifiques sur la formation du Pentateuque, qui étaient développées notamment en Allemagne. Il fut lui-même un acteur majeur dans ce débat, à l’origine d’idées qui sont encore utiles pour rendre compte de la naissance de la Torah, naissance qu’il situait, comme on le pense toujours aujourd’hui, à l’époque de la domination perse achéménide (c. V-IV s. av. è. c.).
Les travaux de Renan ont ainsi représenté une impulsion majeure dans l’étude historique des religions juives et chrétiennes, tout en restant marqués par des présupposés idéologiques problématiques et certaines conceptions que l’on pourrait aussi qualifier de théologiques.