Dans les plus anciennes civilisations, l’homme a transformé les matières premières dans le but de disposer des matériaux dont il a eu besoin pour la fabrication d’outils, et d’équipements en général. Parmi les matières premières les plus abondantes, universelles et accessibles, l’argile constitue sans aucun doute un exemple particulièrement intéressant. En fait, son utilisation vise des secteurs d’application extrêmement divers, depuis les plus traditionnels, comme la construction jusqu’à des matériaux sophistiqués comme certains catalyseurs hétérogènes, ce qui illustre l’utilité réelle et la grande versatilité de cette famille de silicates.
Ce n’est pas un lieu commun que d’affirmer qu’une matière première aussi simple que l’argile puisse avoir des applications dites « avancées ». En réalité, elle peut être transformée en des matériaux très divers – voire des nano-matériaux fonctionnels. Dans le but d’illustrer ces concepts, on considérera divers exemples qui constituent une revue concise des matériaux fonctionnels à base d’argiles, qui ont fait l’objet d’études dans notre groupe pendant les dernières années. À l’heure actuelle, ces matériaux présentent un grand intérêt dans des applications diverses : adsorbants spéciaux, catalyseurs spécifiques, matériaux anti-pollution, composants et dispositifs électriques et électrochimiques, membranes sélectives, systèmes photo-actifs ou même, dans la préparation d’adjuvants de dernière génération pour des vaccins.
Parmi les exemples les plus récents, les argiles ont été à la base de la préparation de nouveaux matériaux multi-fonctionnels, tels que les adsorbants magnétiques ou les graphènes supportés. Les argiles lamellaires, comme la montmorillonite, ou fibreuses, comme la sépiolite, traitées par des ferrofluides sont transformées en matériaux superparamagnétiques capables d’absorber très efficacement des espèces organiques et d’échanger des cations en solution. Leur caractère superparamagnétique facilite la capture du matériau par l’action d’un champ magnétique ce qui permet la séquestration et l’élimination de substances polluantes dans l’eau sans avoir recours à des processus complexes de récupération, tels que la filtration, la centrifugation ou les procédés membranaires. En outre, du graphène supporté par les argiles a été produit par carbonisation contrôlée de composés organiques absolument inoffensifs, tels que le caramel ou la gélatine. Il s’agit d’un nouveau procédé de préparation de matériaux du type « graphenoïde » par une « voie douce » qui mène à des composés carbone-argile avec des propriétés simultanément caractéristiques des deux composantes, c’est-à-dire l’adsorption et la conductivité électrique.