Peut-on contrôler l'équilibre thermodynamique d'un échantillon de matière en utilisant de la lumière aux caractéristiques bien choisies ? Depuis les articles fondateurs d'Einstein et de Kastler, cette question a accompagné le développement de la physique atomique et de l'optique quantique. À partir des années 1970, le développement des sources laser accordables est venu lui donner un nouvel éclairage, avec notamment les propositions de refroidissement de gaz d'atomes neutres ou d'ions. Les réponses qui ont été apportées sont allées bien au delà des prévisions initiales les plus optimistes. Le refroidissement de particules atomiques par laser permet d'abaisser la température d'un gaz depuis la température ambiante jusqu'à un domaine compris entre le millikelvin et le microkelvin, voire même en dessous dans certains cas particuliers.
Les atomes froids sont omniprésents dans les expériences de métrologie du temps et des fréquences, ainsi que dans la plupart des mesures de haute précision en physique atomique. Le refroidissement radiatif a également ouvert la voie à la production de gaz quantiques comme les condensats de Bose-Einstein, dans lesquels un grand nombre de particules s'accumulent dans un seul état microscopique. Il permet en effet de s'approcher de la limite où la longueur d'onde thermique des atomes du gaz devient comparable à la distance entre particules. Notons toutefois que le refroidissement radiatif ne permet en général pas d'atteindre directement le seuil de condensation. Il est secondé par une phase de refroidissement par évaporation, qui permet d'abaisser la température d'encore un ou deux ordres de grandeur.
Le refroidissement radiatif a été appliqué à de nombreuses espèces atomiques, plus d'une trentaine à ce jour. Le seul élément déterminant est de disposer de sources laser continues et suffisamment intenses pour exciter de manière résonante une transition atomique. Le but de ce cours, composé de six leçons de 1h30 chacune, a été de présenter l'évolution des principales idées à la base du refroidissement radiatif, et de discuter leurs performances et leurs limites. Nous n'avons pas cherché à décrire toutes les méthodes proposées, mais nous nous sommes concentrés sur quelques principes importants :
- l'effet Doppler, qui permet d'obtenir une réponse de l'atome à l'onde lumineuse qui dépend de la vitesse atomique ;
- le mécanisme Sisyphe, qui oblige l'atome à escalader plus de collines de potentiel qu'il n'en descend ;
- l'utilisation d'états noirs, qui consiste à cacher les atomes dans l'obscurité, c'est-à-dire à les accumuler dans des états où ils sont effectivement découplés de la lumière.