Résumé
Les dieux grecs sont profondément topiques, enracinés dans le territoire. Dès lors, que se passait-il, sur le plan religieux, quand un Grec arrivait dans une cité qui n’était pas la sienne ? En partant de deux passages d’Hérodote qui mettent en scène Cléomène de Sparte, respectivement dans le sanctuaire d’Athéna à Athènes (V, 72) et dans l’Héraion d’Argos (VI, 81), on étudie l’interdiction parfois totale pour un étranger, un xenos, d’accéder à un sanctuaire, d’une part, et, d’autre part, l’interdiction faite à un étranger de sacrifier lui-même dans une cité autre que la sienne telles qu’en témoignent les prescriptions rituelles. Une brève comparaison est faite avec les interdictions similaires faites aux femmes. Les restrictions imposées à un xenos sur le plan religieux sont comparables à celles qui lui sont faites sur un plan politique : des intermédiaires doivent intervenir pour qu’il ait accès aux institutions d’une cité étrangère. C’est le statut de l’individu qui est en cause dans ce cadre, ce qui atteste l’importance des rites sacrificiels dans la détermination de l’appartenance à une communauté. Le cas de Cléomène qui se voit interdire l’accès du sanctuaire d’Athéna sur l’Acropole d’Athènes parce qu’il est dorien est significatif de cet ancrage des dieux dans le territoire et de la bienveillance qu’ils accordent à ceux qui les y ont installés. Mais le jeu narratif auquel se plaît Hérodote dans ce passage (V, 72), en plaçant dans la bouche du roi spartiate la réplique selon laquelle il n’est pas dorien mais achéen, montre aussi l’importance de la référence homérique dans la représentation des dieux. L’Athéna de l’Iliade, celle d’Athènes et celle de Sparte ne sont pas des entités hétérogènes les unes aux autres et le théonyme dit quelque chose, à la fois de l’ancrage local de ses cultes, et de l’imaginaire partagé qui la met en scène.